Sébastien Louis : “Les stadiers ajacciens ont fait un très bon travail, ont protégé les supporters bordelais, alors que les forces de l’ordre ont mis une dizaine de minutes à intervenir”

    (Photo by Anthony Bibard/FEP/Icon Sport)

    Sur France Bleu Gironde, dans l’émission 100% GirondinsSébastien Louis, historien et sociologue, spécialiste du supportérisme et des mouvements ultras, auteur du livre « Ultras, les autres protagonistes du football », a réagi au fait que l’AC Ajaccio et l’Etat (Préfecture) se renvoyaient la balle concernant les responsabilités concernant ce qui s’est passé lors du match de l’ACA face aux Girondins de Bordeaux.

    « Je voudrais juste rappeler que les déplacements en Corse, que ce soit Bastia ou Ajaccio, sont des déplacements que les supporters Ultras cochent sur les calendriers. Pourquoi ? Parce que tout simplement c’est un beau voyage déjà, il faut le dire. Aller en bateau ou en avion en Corse, qu’on appelle quand même l’île de beauté, et ce n’est pas pour rien… Donc les supporters avaient déjà, dès la sortie du calendrier, coché ce match, et avaient organisé leur déplacement, c’est-à-dire partir aussi en vacances, profiter de la mer, des beautés de la région. Lorsque le vendredi, à trois jours d’un match que vous avez programmé depuis un mois et demi, on vous sort cet arrêté… Qu’est-ce que vous allez faire ?! En plus, c’est l’été, les prix sont très élevés, et les supporters qui ne disposent pas de moyens pharamineux vont anticiper ce déplacement en se disant qu’il va peut-être être décalé, qu’ils vont donc partir quatre jours… Bien évidemment, ces gens étaient déjà sur place, donc cela pose un véritable problème, et c’est un non-respect total des supporters. Ensuite, je vais parler du cas anglais. Tout le monde connait l’Angleterre à cause des gros problèmes d’hooliganisme. Jamais il n’a été interdit un déplacement de supporters. C’est quelque chose qu’il faut mettre sur le table. La France, comme l’Italie, a choisi cette voie de facilité. A la veille de l’Euro 2016, il y a eu quasiment 140 matches avec des interdictions ou restrictions de déplacement, et parfois lors de matches ridicules en quatrième division, notamment pour les supporters de Grenoble qui ne pouvaient pas se rendre à Mulhouse… Ça pose quand même problème. De plus, ne pas accepter les supporters adverses, c’est-à-dire ne pas former les policiers, les stewards, les gens qui sont formés sur la sécurité sur le terrain… On l’a vu lors de la finale de la Ligue des Champions le 28 mai 2022 où des supporters de Liverpool n’ont pas pu rentrer dans le stade, et certains ont failli mourir… Deux se sont suicidés par rapport au traumatisme engendré par cette finale. La France a choisi une voie de facilité sur le court terme. Mais quand on parle du moyen ou du long terme, c’est une voie qui est complètement fausse ».

    D’autant qu’on choisissant cette voie, les forces de l’ordre et de sécurité ne sont pas forcément préparées.

    « Je rappellerai que les trois pays en Europe où il y a le plus de problèmes, c’est les trois pays où il y a des interdictions de déplacement régulières : la Grèce, l’Italie et la France. En Grèce, il y a eu un mort il y a deux semaines la veille d’un match avec un déplacement justement interdit entre l’AEK et le Dynamo Zagreb. On a une dizaine de morts en Grèce. En Italie, on est dans le championnat le plus violent en Europe avec une trentaine de morts. En France, on n’a pas énormément de morts et heureusement. Par contre, on a une multiplication des incidents et donc il faut savoir que la plupart du temps, les forces de l’ordre sont complètement débordées. Je me permets de mentionner quelque chose, et c’est une source bordelaise qui me l’a confirmé. Les stadiers ajacciens ont fait un très bon travail, ont protégé les supporters bordelais, alors que les forces de l’ordre ont mis une dizaine de minutes à intervenir. Cela pose question, et cela pose problème ».

    Retranscription Girondins4Ever

    Du lundi au vendredi, sur France Bleu Gironde, retrouvez l’émission 100% Girondins, animée et présentée par Dominique Bourdot à partir de 18h30. Vous pouvez retrouver le podcast de l’émission quelques minutes après la fin de celle-ci : ICI.