Pierre Barthélémy revient sur les coulisses juridiques de PFC-Bordeaux : “Encore une fois, il a piétiné les libertés citoyennes des supporters sans motif valable”

    (Photo by Daniel Derajinski/Icon Sport)

    Pierre Barthélémy, à froid, revenant sur le dossier qu’il a défendu pour les supporters des Girondins de Bordeaux et en général, sous l’étiquette de l’ANS, a fait un point complet sur ce nouvel épisode de la défense des droits des supporters et des citoyens.

    “Le 23 novembre 2023, tôt le matin, à deux jours du match, G. Darmanin publie un arrêté interdisant de se rendre à Paris si l’on vient de Gironde et que l’on veut assister à la rencontre comme supporter des Girondins. Ce faisant, il contraint le préfet de police de Paris à prendre un arrêté modificatif le 23 novembre 2023 en fin de matinée qui étend l’interdiction d’encourager les Girondins de Bordeaux dans le stade. Cela crée de nouveau un gros bordel (des milliers de supporters bordelais vivant en Île-de-France avaient prévu de venir, essentiellement des familles dont c’est le seul match près de chez elles) et des préjudices (trop tard pour se faire rembourser les réservations d’autocars).

    L’ANS attaque donc l’arrêté ministériel devant le Conseil d’Etat et l’arrêté préfectoral modificatif devant le tribunal administratif. Et là, déjà, on sent un premier biais. Devant le tribunal, la préfecture se borne à dire que parfois il y a des incidents avec les supporters.

    En revanche, devant le Conseil d’Etat, Gérald Darmanin annonce que ce sera Verdun si les supporters des Girondins encouragent leur équipe au stade. Il dénature ou ment sur des faits. Il accuse les supporters bordelais de s’être battus à Ajaccio (alors qu’ils ont été agressés). Il accuse les supporters bordelais d’avoir violé l’interdiction de déplacement à Valenciennes alors qu’elle a été suspendue par le juge administratif avant le match. Il invente des incidents au dernier PFC/Bordeaux à Charléty. Pire, il écrit au Conseil d’Etat que les circulaires … du ministère de l’intérieur encadrant l’utilisation des arrêtés d’interdiction de déplacement … ne sont pas opposables au ministre de l’intérieur. Lunaire. Ahurissant. On apprend aussi qu’il prétend ne pas avoir assez de forces de l’ordre (30 policiers) pour Charléty parce qu’il doit en mobiliser 1000 (oui, mille) pour un concert à La Défense Arena qui a conduit l’an dernier à des dizaines de blessés et des centaines de véhicules incendiés. En gros : il expliquait au Conseil d’Etat qu’un PFC/Bordeaux était plus risqué qu’un événement qui mobilise 1000 policiers ou gendarmes pour éviter des dizaines de blessés et des centaines de destructions de biens…

    Au final, le Conseil d’Etat (après avoir réellement bâclé l’instruction) reprend mot pour mot les affirmations de l’Etat et valide l’arrêté ministériel.

    En revanche, après 1h15 d’audience approfondie, technique et détaillée où la juge et l’ANS ont démonté point par point les affirmations de l’Etat, le tribunal administratif suspend samedi l’arrêté préfectoral modificatif (i.e. le seul arrêté applicable à l’intérieur du stade).

    Alors que des milliers de supporters affluent vers le stade, que le Paris FC a ouvert le parcage, que les Girondins ont envoyé des stadiers, Gérald Darmanin décide de faire appel de la décision du tribunal et demande au Conseil d’Etat d’interdire tous Bordelais d’accès à Charléty. Le Conseil d’Etat a refusé d’instruire et a conclu au non-lieu à statuer (sûrement au motif que cet appel au motif qu’il était trop tard pour respecter le contradictoire et pour adapter le dispositif d’ordre public).

    Evidemment, tout s’est bien passé malgré au moins 10000 personnes au stade. Il y avait 5 fourgons de CRS devant le stade, donc probablement 2 unités de forces mobiles (120 policiers) alors que Gérald Darmanin expliquait qu’il faudrait 300 policiers minimum pour ouvrir le parcage.

    Encore une fois, donc, Gérald Darmanin a fait exploser en vol au dernier moment une organisation ficelée depuis des jours par la préfecture, les clubs, les services de police et le délégué LFP. Encore une fois, il a piétiné les libertés citoyennes des supporters sans motif valable”.