Frédéric Antonetti ne connaissait-il vraiment pas Gérard Lopez ? Les propos de l’entraineur corse n’étaient probablement pas dus au hasard
Dans le Canal Football Club ce week-end, lorsqu’Hervé Mathoux évoque les déclarations de Gérard Lopez à sa prise de fonctions lors de sa première conférence de presse, Frédéric Antonetti intervient soudainement. « Mais, vous en doutiez ?! (Regard étonné). Vous en doutiez ? Il n’y a qu’à voir son parcours partout où il est passé, que ce soit dans les sports mécaniques, quand il est parti de Lille, ils sont Champions mais à crédit… Franchement, vous en doutiez ?! Ils sont Champions, non mais, il est obligé de partir en catastrophe au mois de janvier parce qu’ils sont en cessation de paiement… C’est ce que j’ai lu, hein ».
Alors que l’on pensait qu’il avait dit ce qu’il avait à dire, il interrompt cette fois Philippe Carayon lorsque ce dernier explique que « le football c’est difficile et concurrentiel, qu’il y a des clubs réussisse et que d’autres non, et que c’est comme ça » : « Je ne suis pas d’accord avec ça, quand on travaille bien, quand on est sérieux, on peut avoir parfois des périodes un peu difficiles, mais sur la longueur, le travail et le sérieux payent, comme avoir une bonne politique sportive. Si ces clubs en sont là, c’est parce que la politique sportive n’est pas bonne. Il ne suffit pas d’arriver et de faire des déclarations, non… ».
Jusque-là, bon, mis à part la volonté de certains consultants ou personnalités de se « faire Gérard Lopez » gratuitement, parce que c’est parfois la mode, ou parce que c’est le moment car Bordeaux est mal en point, Frédéric Antonetti ne détonnait pas d’autres personnes. Seulement, la suite nous a mis la puce à l’oreille, sur la base de ‘plus c’est gros, plus ça passe’.
« Moi, Gérard Lopez, je ne le connais pas. C’est Gérard, c’est ça ?! Je ne le connais pas. Je vois simplement son parcours. Quand il arrive à Bordeaux, j’ai des doutes, au vu de son parcours, tout simplement. Il y a le club de Boavista aussi, il y a plein d’exemples… Il y a la Formule 1, c’était Lotus à l’époque. Il y a plein d’exemples… Et une fois, et deux fois, et trois fois… A Lille, ils sont Champions, bravo, mais ils ont dépensé l’argent qu’ils n’avaient pas, et il a été obligé de partir en catastrophe. Ah, il est même parti avant le titre ? Je ne le savais même pas. A un moment donné, vous voyez ce personnage arriver, moi j’ai des doutes… C’est pour ça que je demande si vous en doutiez (quand il est arrivé à Bordeaux), tout simplement »…
Non, Monsieur Antonetti, pas « tout simplement ». D’ailleurs, visiblement, en plateau, personne ne s’est demandé pourquoi Frédéric Antonetti était aussi virulent avec Gérard Lopez, sans le connaitre, selon ses dires… Petit flashback.
Frédéric Antonetti, Lille… et Gérard Lopez
En août 2016, Frédéric Antonetti est entraineur en Ligue 1, au LOSC. Le club nordiste le prolonge même alors jusqu’en 2020. Le début de saison, sportivement parlant, n’est pas bon, pour diverses raisons, mais les regards sur le club nordiste sont surtout sur les coulisses, puisque le club est en passe d’être racheté par un certain… Gérard Lopez. Dès le mois d’octobre, la presse nationale titre même « Gérard Lopez prépare son organigramme, Frédéric Antonetti en danger ». L’entraineur corse est alors sollicité ce même mois, en conférence de presse, sur le sujet du rachat du club lillois.
« J’ai été surpris. Mais une fois la surprise passée, il faut se concentrer sur notre situation, c’est-à-dire bien préparer le match de Bastia. Je suis concentré sur mon travail à 100%. Je veux que le club et les joueurs retrouvent des eaux plus calmes, c’est-à-dire essayer de remonter en milieu de tableau à la trêve. Je veux que le club retrouve des couleurs. Après, que voulez-vous que je vous dise ? Je n’ai pas de réponse. Ensuite, si le club se vend, on verra la volonté des nouveaux dirigeants. Je ne vais pas faire de football fiction ».
Au mois de novembre, ce même Frédéric Antonetti explique qu’il s’est entretenu avec un certain… Gérard Lopez, le même dont il ne se souvient même plus du prénom sept ans plus tard, mais qui sait tout de même qu’il a un passé en F1 en citant même Lotus, qu’il est aussi à Boavista, et qu’il est ‘précipitamment’ parti de Lille en cours de saison.
« On s’est parlé brièvement et M. Lopez a dit aux joueurs qu’il fallait redresser la barre et tenter de remonter au classement d’ici à la trêve. Il a aussi expliqué qu’il y aurait des retouches mais il y en aurait aussi eu même s’il ne venait pas. Car quand tout va mal, on cherche des solutions. Mais 90 % de l’effectif va rester en place. Il nous a dit qu’il n’y aurait pas de révolution ! ».
Le 18 novembre, Frédéric Antonetti rajoute. « Il est venu saluer le vestiaire à la fin du match mais on n’a pas eu de discussion. On n’en sait pas plus ». Il ne faudra attendre que cinq jours pour voir le LOSC officialiser le départ de Frédéric Antonetti, « à l’amiable », comme l’assure le communiqué du club. Dès le lendemain, le 23 novembre, le nom de son remplaçant souhaité sort chez L’Equipe, avec le nom de Marcelo Bielsa. Ce dernier n’arrivera finalement que quelques mois plus tard, pour préparer la saison suivante, avec la suite que l’on connait.
Qui a fait en sorte que Frédéric Antonetti parte du LOSC ?
Officiellement, ce n’est pas Gérard Lopez. Cela commence par une première déclaration à l’AFP, de la fameuse ‘source proche du dossier’. « Gérard Lopez a été informé, mais n’avait ni la position ni le pouvoir de prendre une quelconque décision à ce sujet ». Sur RTL, Michel Seydoux, le Président du Club, a voulu préciser et assurer qu’il s’agissait d’une décision prise par le LOSC.
« Je tiens à le saluer, car c’est quelqu’un que j’aime beaucoup et qui s’est conduit sur le plan personnel comme un seigneur. Malheureusement, quand on s’occupe d’un club comme Lille, on ne peut pas avoir 10 points après 13 matches. C’était un crève-cœur mais c’était une obligation par rapport à ce que je pensais être utile pour le club ».
Alors, soyons clairs, le club sera racheté quelques semaines plus tard, et il est tout à fait possible que Gérard Lopez ait eu tout de même son mot à dire, comme ce fut le cas des américains pour le rachat des Girondins avec Gustavo Poyet. Même si, précisons-le également, Marcelo Bielsa, le choix numéro 1 de Gérard Lopez, n’est absolument pas arrivé tout de suite, mais plusieurs mois après, souhaitant certainement prendre une équipe en début de saison, afin de participer à la constitution de l’effectif.
Mais ce qu’il ne faut surtout pas omettre, c’est qu’il y a une très grosse probabilité que Frédéric Antonetti ait quitté le club pour un manque de résultats sportifs. Car au moment de son départ, Lille était 19ème de Ligue 1 après 13 journées disputées, cumulant 9 défaites en 13 matches donc (10 points). Sans oublier que les Dogues avaient été éliminés par les Azerbaïdjanais de Qabala au 3ème tour préliminaire de l’Europa League…
Oui, Monsieur Antonetti, vous connaissez Gérard Lopez, et le fait de faire semblant de ne pas connaitre son prénom, tout en connaissant en parallèle en revanche parfaitement son historique, prouve que vos propos, acerbes, étaient un simple règlement de compte, sur la scène médiatique. C’est dommage de tirer sur l’ambulance car à notre sens, vous méritez mieux, Frédéric.