Timothée Duverger : « Ce sont des problématiques financières, qui tiennent souvent au retrait du propriétaire, comme à Sochaux ou à Bordeaux »
Pour Carenews, le chercheur et spécialiste de l’économie sociale et solidaire, Timothée Duverger, s’est exprimé sur l’intérêt récent de plusieurs clubs de football pour les coopératives (Socios), comme à Bastia, Sochaux, et maintenant les Girondins de Bordeaux.
« Dans tous les cas concernés, il y a une problématique d’effondrement du club. Ce sont des problématiques financières, qui tiennent souvent au retrait du propriétaire, comme à Sochaux ou à Bordeaux. La gouvernance actionnariale dans le sport cause beaucoup d’incertitudes : il suffit qu’il y ait de mauvais résultats, que l’investisseur change de stratégie… Il y a souvent des phénomènes de fuite en avant, avec des dettes, des problèmes de gestion financière sur lesquels tout le monde ferme les yeux jusqu’à ce que ça explose. Après l’effondrement, il y a des projets de reconstruction qui s’appuient sur les ressources territoriales, donc sur les collectivités et les supporters. Des projets de ce type émergent parce que les clubs ont un capital immatériel, une force symbolique qui dépasse le club de sport. C’est souvent identitaire pour les territoires, qui répondent à la faillite du capital actionnarial. On retrouve des alliances ou des coalitions entre des supporters, qui prennent la forme de « socios », les collectivités locales et des acteurs économiques locaux souvent attachés aux clubs ».
Vient alors la question, concernant notre club : « Pour quelles raisons le projet de Scic (Société coopérative d’intérêt collectif) pourrait-il ne pas fonctionner à Bordeaux ?
« Il peut y avoir une offre de reprise concurrente, de la part d’un propriétaire. Mais en réalité, personne ne fera ça parce qu’il devrait mettre beaucoup d’argent sur la table et reprendre les dettes à sa charge. L’autre possibilité, c’est que les acteurs susceptibles de constituer la Scic ne s’entendent pas sur le projet lui-même. Je suis sûr que les collectivités locales, sans parler à leur place, sont très ouvertes à un projet Scic. Les supporters, par contre, sont divisés sur le sujet. Le troisième facteur, c’est le modèle économique et la question épineuse des dettes. On parle de montants très importants, 90 millions d’euros. Des créanciers vont faire des abandons de créance et des formes de restructuration des dettes, ou il peut y avoir une liquidation judiciaire. Mais la décision dépend du tribunal de commerce. Le modèle économique est plus ou moins facile à établir en fonction de ça. Il y a beaucoup d’incertitudes ».