InterviewG4E. Evan Chevalier : « C’est un mal pour un bien d’être un petit peu revenu à la base. Il y a du tri qui a été fait, et il en faudrait encore un petit peu »

    Nous l’avions croisé et scruté lors de ses matches au stade Galin avec la réserve, puis nous avons évidemment vu cette première en Ligue 1 lors de la 32ème journée de Ligue 1 face à Saint-Etienne en avril 2021, où il fit 15 minutes au poste de milieu gauche. Nos chemins se sont séparés au gré des carrières et de « l’après Girondins ». Nous avions cependant toujours à l’esprit l’image d’un bon garçon, et c’est ce que nous avons pu confirmer plus de dix ans plus tard. Entretemps, Evan Chevalier s’est redirigé rapidement vers le coaching, et est aujourd’hui le coach, à seulement 32 ans, BEF en poche, du prochain adversaire de son club formateur en Coupe de France : le FC Cœur Médoc Atlantique. Découvrez notre entretien avec évidemment en ligne directrice l’organisation de cette rencontre, mais surtout avec en toile de fond un amour important pour les Girondins de Bordeaux, dans lesquels il semble un peu plus se retrouver cette saison que les précédentes. Interview.

    Evan, peux-tu nous parler du FC Cœur Médoc Atlantique (R2) ? 

    C’est le milieu amateur par excellence, donc tous les joueurs bossent à côté. Après, en termes de rythme d’entrainement, on tourne à deux ou trois séances par semaine, ce qui est déjà beaucoup. Quand les joueurs sortent d’une journée de travail, ce n’est pas facile à gérer. Ils ne font pas tous le même métier, déjà. Il y en a pas mal qui sont dans le bâtiment, il y en a d’autres qui sont dans l’administratif. En termes de gestion de la fatigue, de gestion de séances, ce n’est pas évident à gérer. Mais on arrive à trouver le bon équilibre par rapport à ça.

    Comment vous avez accueilli le fait d’affronter les Girondins ? Et dans un second temps, au niveau de l’organisation, est-ce un « cadeau empoisonné » comme le dit ton Président Cédric Narbate, et comme ont pu le dire d’autres coaches/dirigeants de clubs avant vous ?

    Au premier abord, c’est beaucoup de fierté, parce qu’on est dans une région où tous les joueurs sont supporters des Girondins. Moi, de par l’histoire de cœur, le fait d’y avoir joué, le fait d’y avoir été pro, bien sûr que cela représente une émotion particulière. Après, c’est sûr que par rapport à ce qui s’est passé sur les deux tours précédents, c’est beaucoup de frustration. Et pour moi, il faut même aller plus loin que ça, c’est limite un scandale ce qui se passe. Ça gâche la fête des clubs amateurs, et la Coupe de France c’est d’abord ça en fait, c’est une compétition qui permet de vivre beaucoup d’émotions à ce niveau-là, et qui permet de ramener un peu de folie, un peu de lumière dans la vie des clubs amateurs. Les Girondins ne permettent pas ça. Donc c’est vrai que c’est hyper frustrant, et c’est compliqué par rapport à l’organisation du match.

    Il y a le côté financier qui n’est pas négligeable, mais aussi le fait de jouer devant du public, souvent la famille, face au club phare de la région…

    Exactement. L’aspect financier, c’est énorme ce que peut représenter la recette, ce que peut représenter les consommations au stade… C’est un truc très important dans le budget du club, d’autant plus quand on connait les difficultés financières aujourd’hui… Ce n’est pas négligeable. On n’a pas le droit d’enlever ça aux clubs amateurs. C’est simplement scandaleux, et je pense que ‘scandale’ c’est le terme qui va bien. Ce qu’il ne faudrait pas, c’est arriver à banaliser le fait que ce soit comme ça face aux Girondins, à huis clos. Il faut arriver à trouver les solutions. Le club a travaillé dès le lendemain du tirage par rapport aux problématiques posées avec les clubs précédents, et donc pourquoi il n’y avait pas eu les supporters. Le club s’est tout de suite penché sur le sujet, et a fait ce qu’il fallait en termes d’organisation pour pouvoir recevoir les deux groupes de supporters, pour avoir un stade qui permette d’accueillir du monde en toute sécurité en fait.

    Tu sens qu’il y a une écoute et une aide de la part des Girondins ?

    Il y a eu une collaboration, on a été en contact avec David Lafarge que je connais un peu suite à mon passage aux Girondins. Je pense qu’ils sont à l’écoute et je pense que pour eux non plus ça ne fait pas partie de leur volonté le fait de jouer à huis clos, c’est sûr. Mais aujourd’hui, ça ne doit pas être le club amateur qui subit la situation des Girondins. S’il y a des problèmes avec les supporters, on le voit partout, il y a des interdictions de déplacement si les supporters ne sont pas capables de se tenir et qu’il y a du bordel. Il y a plein de choses qui sont faites et le truc que je trouve le plus incohérent, c’est quand je vois les supporters des Girondins contre Bassens, qui sont à l’extérieur du stade, de l’autre côté du portail, et qui ont vu le match depuis l’extérieur du grillage… Pour connaitre un petit peu le stade Sainte-Germaine, je vois comment c’est fait. Les supporters se retrouvent à l’extérieur, et il y a un truc qui me dépasse totalement… Je n’arrive pas à comprendre pourquoi aujourd’hui, tout de suite, on impose le huis clos. Cela prive les autres supporters. En fait, on n’a pas le droit de gâcher tout ce qui se passe au niveau du club amateur. Il y a les deux groupes de supporters, et je n’ai pas entendu d’histoires depuis le début de saison. S’il y a des problèmes avec eux, il faut les interdire, eux, de déplacement. Nous, aujourd’hui, on est en capacité d’assurer une sécurité au stade. S’ils étaient interdits, je pense que ce serait respecté, c’est le cas la majorité du temps. On le voit tous les week-ends. Encore ce week-end à Montpellier vis-à-vis de Marseille. Mais on n’en est pas là… On n’en est pas à ce niveau-là, mais c’est quelque chose qui se fait et qui est possible de faire. J’espère simplement que la fête ne va pas être gâchée par un huis clos.

    Il y a un plan qui est présenté pour plusieurs stade, la réponse sera mardi soir ?

    Il y a deux options qui ont été prises au niveau du club. Il y a deux sites qui sont homologués pour nous recevoir, Soulac et Lesparre. En termes de capacité, le club a fait le choix de recevoir avec du public sur la ville de Lesparre, mais c’est aussi possible à Soulac. Les deux options sont envisageables. Le club a présenté le plan pour recevoir du public à Lesparre, qui a une enceinte un peu plus grande, qui a deux accès, donc qui permet de faire arriver les deux groupes de supporters à deux endroits différents… Il y aura aussi un parcage pour les supporters. Le club a vraiment fait en sorte de travailler et d’amener toutes les garanties nécessaires liées à la sécurité. Si ça ne passe pas là, ce n’est pas loyal, parce que les exploits ne sont possibles pour les clubs amateurs que quand le contexte est favorable. Les supporters en font grandement partie… Il faut que ce soit une fête, il y a le côté financier qui est énorme pour le club… Cela représente presque un tiers du budget de la saison. Qui prend en charge le manque à gagner ? Les gens qui prennent les décisions en haut, j’ai l’impression qu’ils sortent un peu le parapluie, et qu’ils ne veulent pas trop se mouiller… Alors que de laisser les supporters à l’extérieur d’un stade, le truc est même pire… J’espère que tout ça sera entendu et qu’on va enfin pouvoir jouer avec des supporters contre les Girondins.

    Pour en revenir aux Girondins, tu as suivi notre descente aux enfers… Qu’est-ce que ça t’évoque ?

    Une grande tristesse. Après, nous, on est tombés dans la très belle époque quand j’étais au centre de formation… J’ai en mémoire la période Ligue des Champions, on avait fini premiers de la poule. L’époque Gourcuff, Chamakh, et on peut citer tout le monde tellement cette génération était exceptionnelle… Je pense que c’est la vente du club (par M6) le premier élément pour expliquer tout ça, qui a fait perdre toute l’identité que ce club pouvait avoir auparavant. On l’a perdue. Après, je n’ai pas assez d’éléments en ma possession pour savoir comment, pourquoi, et pourquoi on a vendu à ces gens-là. Mais je pense que ça a engendré la descente aux enfers du club, où on a petit à petit évincé les gens qui étaient là depuis longtemps, les gens qui étaient vraiment amoureux de ce club, pour laisser place à du copinage, des mecs qui n’étaient pas forcément hyper compétents, des échos que j’ai pu en avoir. Je suis triste en fait. Je suis triste pour le club. Je suis triste par rapport à ce que ça représente au niveau du football français. Au final, je pense que c’est un mal pour un bien d’être un petit peu revenu à la base. Alors, il y a du tri qui a été fait, et je pense qu’il en faudrait encore un petit peu (rires), pour repartir avec un club qui retrouve une identité, par rapport à la région dans laquelle il se trouve. Pour qu’il reparte avec des gens qui sont vraiment amoureux du club. Il n’y a que comme ça de toute façon que le club pourra retrouver l’élite.

    Tu es ami avec Yoann Barbet. Il a dû quitter le club, lui qui en est aussi amoureux que toi…

    On est restés un groupe d’amis, dont fait partie effectivement Yoann Barbet. Il y a Jonathan Gradit, Alexandre Cantero, Quentin Lucas, Jordan Mignon, Ugo Gostisbehere… On est un groupe qui communique beaucoup par rapport à ça. Je pense qu’on vit tous la situation de la même façon. Tout le monde est peiné de voir le club là, et Yoann Barbet encore plus car lui avait rejoint l’aventure d’une saison où ils sont à deux doigts de retrouver l’élite… Et la saison d’après, il y a tout qui part… Malheureusement, c’est la conséquence logique quand on voit comment est géré le club depuis quelques années. C’était presque prévisible. On le voyait venir petit à petit, et on a laissé le club partir dans ce truc-là.

    Tu as obtenu ton BEF en 2022, à 30 ans. Quand as-tu décidé de basculer vers le coaching ?

    C’est quelque chose qui m’a toujours plus ou moins intéressé parce que même en étant de joueur, j’avais pris une section sportive en tant que coach à Bergerac. Tout de suite, c’est quelque chose qui m’a plu. Alors de là à en faire mon métier, je ne pensais avoir cette suite-là. Mais la vie a fait que. J’ai commencé ici au FC Cœur Médoc Atlantique. C’est une fusion de clubs, mais avant j’ai joué à Soulac, et avant de partir aux Girondins j’étais à Vendayes. Le club m’a proposé cette reconversion. Je revenais d’Australie, j’avais signé au Stade Bordelais, et c’est tombé pendant la période Covid. Après, il y a beaucoup de remise en question par rapport à la vie professionnelle, il faut trouver une reconversion… Le club s’est positionné dans ce sens-là, en me donnant la possibilité de passer mon BEF. Tout de suite, j’ai pris beaucoup de plaisir avec les équipes de jeunes. J’ai commencé avec une équipe de 15 ans, que j’ai suivie sur deux ans, et ça s’est très bien passé. Ensuite, Lilian (Laslandes) est parti à Bastia, le club m’a proposé l’équipe senior. Mon ambition personnelle, c’était de pouvoir me tester sur le monde senior, de pouvoir me tester dans la compétition. Aujourd’hui, ça se passe plutôt bien, donc je suis plutôt content de ce qui se passe en tant que coach.

    C’est une belle transition avec Lilian Laslandes…

    Lilian représente tout ce que peut représenter Lilian dans le football en France, et encore plus dans le football girondin. C’est une image pour nous. Il nous a fait rêver étant petit… Ça a été la suite logique. Le club m’a tout de suite fait confiance par rapport à ça. J’avais une période de blessures aussi, où je n’arrivais plus à jouer, je n’arrivais plus à enchainer les matches comme je le voulais, donc, c’est très naturellement que ça s’est fait.

    Bruno Irles disait samedi qu’il allait se servir des matches de Coupe de France pour continuer sa préparation, puisque l’équipe n’en a pas eue au début de saison. C’est quelque chose que tu comprends ?

    Il n’y a pas d’appréhension de notre part, et je comprends tout à fait sa position. Il a des joueurs qui arrivent au compte-gouttes de semaine en semaine, et sa démarche est assez logique finalement. Nous concernant, ça ne va rien changer. J’écoutais encore son interview d’après match face à Avranches, et il dit bien qu’il va préparer le match de Blois, qu’il va se servir de notre match pour préparer le match de Blois. Je pense que c’est une équipe bordelaise qui sera quand même compétitive, et ça ne change rien à notre préparation. On va préparer ce match avec beaucoup de plaisir, beaucoup d’envie. Après, ça ne sera possible que si ce match se joue avec les supporters. On va le préparer très sereinement, en essayant de ne pas passer à côté car souvent ce sont des événements où les joueurs se mettent une petite pression supplémentaire, par rapport à ce que représente le match pour eux. Mais on va essayer d’être nous-mêmes et de donner tout ce qu’on a à donner.

    Est-ce qu’il y a des joueurs que tu connais dans l’effectif, et est-ce que ce groupe représente un peu plus les Girondins de Bordeaux que tu as connus, notamment au niveau de l’image et des valeurs, de l’identité ?

    Bien sûr. Il y a Cédric Yambéré, que j’ai un petit peu connu lors de la période des Girondins. Il y a Malick Seck aussi que j’avais côtoyé de nouveau au Stade Bordelais, même si j’ai vu qu’il jouait un peu moins ces derniers temps. Je suis content de voir ce qui se passe avec le public, ce qui s’est passé ce week-end après la victoire à domicile, et le partage avec les supporters à la fin… C’est une équipe qui retrouve des valeurs en fait. J’entends beaucoup parler d’état d’esprit et pour moi, c’est une base. D’abord, c’est des joueurs qui doivent avoir envie de se mouiller pour l’écusson, pour ce que représente le club aujourd’hui. Je pense que c’est ce que recherche le coach Bruno Irles. Il est très attaché à ça. Ça ne passera que par-là, c’est sûr, c’est une certitude. Je suis content de voir que les résultats positifs s’enchainent pour eux, et j’espère qu’ils feront la saison au niveau de leurs attentes. Le championnat de National 2 est un championnat difficile aujourd’hui, notamment avec la refonte des championnats, car ça a resserré les niveaux. Ce n’est pas un championnat facile, mais sur un projet cohérent comme c’est le cas actuellement, ils peuvent avoir les ambitions à moyen terme de pouvoir accéder au niveau supérieur.

    Aurais-tu aimé jouer avec Andy Carroll ?

    (rires) J’aurais aimé pouvoir lui mettre quelques centres et quelques passes décisives. Mais bon, je pense que tous les joueurs, quel que soit le niveau, apprécient ce joueur. Et puis l’homme a l’air plutôt attachant. Donc bien sûr que oui (rires).