#Interview. Ted Lavie : « J’étais entouré de pas mal de connards à l’époque »
Aujourd’hui joueur de l’Aviron Bayonnais, l’ancien espoir des Girondins de Bordeaux Ted Lavie s’est confié pour Girondins4ever sur son club formateur, sans langue de bois.
Bonjour Ted, tu joues à Bayonne depuis 2016 et ton départ du Stade Bordelais. Comment as-tu atterri au Pays basque ?
J’ai atterri ici par l’intermédiaire de Nicolas Sahnoun. Nicolas Sahnoun qui a repris l’équipe de Bayonne. Il m’a passé un coup de fil, il savait que mon aventure au Stade Bordelais prenait fin. Je le connaissais depuis plusieurs années et il m’a proposé si cela m’intéressait. J’ai accepté.
Vous venez de gagner 1-0 sur le terrain de la réserve des Girondins, avec une prestation très sérieuse. La fin de saison s’annonce intéressante pour l’Aviron…
Oui, intéressante si on reste dans le même état d’esprit, si on répète les mêmes prestations que l’on fait depuis le début de saison. Si on reste concentré, sans se prendre la tête, comme on fait depuis le début, logiquement, il devrait y avoir une belle surprise à la fin. Ce qu’il nous reste à faire, c’est continuer à faire ce que l’on sait faire de mieux, nous amuser sur le terrain, tout en restant sérieux.
Qu’as-tu pensé de cette équipe réserve des Girondins de Bordeaux ?
C’est une équipe qui a de grosses qualités techniques. Derrière, physiquement, ils sont très très costauds. Ils sont assez jeunes, il manque un petit peu d’expérience. S’ils étaient encadrés de mecs un petit peu plus vicieux, ils nous auraient mis beaucoup plus en difficulté. On a peut-être joué sur le fait qu’ils soient inexpérimentés, jeunes, mais ils ont montré de grosses qualités. Ils vont nous faire chier jusqu’à la fin.
Tu es dans le monde amateur depuis quelques mois maintenant, toi qui a connu la première division, de grands joueurs et même la Coupe de l’UEFA. Comment vit-on le fait de passer d’un statut professionnel au monde amateur ?
Moi, bizarrement, je l’ai bien vécu. Je me suis retrouvé dans le monde amateur avec d’anciens joueurs pros. Donc c’est peut-être ce qui a fait que je n’ai pas eu un coup au moral. J’étais entouré d’Hervé Bugnet au Stade Bordelais, Patrick Leugueun, et d’anciens girondins donc c’est vrai que le passage du monde professionnel au monde amateur a été plus facile.
Tu penses revenir vers le monde pro ?
Ca me fait quand même 32 ans ! (rires) Si demain on m’appelle pour aller jouer dans un club pro, que ce soit en France ou à l’étranger, j’y vais à pied ! Ca c’est sûr !
Quels sont tes projets d’après-carrière ?
Là je suis en train d’y réfléchir en ce moment. J’aimerais avoir ma propre affaire… Monter un petit business, que ce soit de bar, je ne sais pas quoi encore… Sinon, je partirai travailler comme tout le monde !
Pas dans le foot ?
Dans le foot, je ne sais pas encore. Je ne sais pas si, une fois que j’aurais arrêté, je voudrais rester dans le milieu. Honnêtement, je ne sais pas. Je sais que l’électrochoc, le jour où je ferais mon dernier match, quand je vais me réveiller le lendemain, ça va me faire tout drôle !
Tu déclarais il y a quelques années que Bordeaux t’avait fait « des coups dégueulasses ». Tu entends quoi par ces mots ?
Au début, j’avais l’impression d’être le bien-aimé, j’étais pas mal chouchouté… À un moment donné, j’ai eu l’impression que j’étais la tête de turc, le mauvais garçon, on m’a traité de voyou, de mec qui n’arrêtait pas de sortir alors que je ne sortais quasiment pas. Je sortais très peu. On m’a collé cette étiquette-là, de mec qui « a du caractère ». Avec qui on ne peut pas parler, alors que c’était totalement faux. Aujourd’hui je ne leur en veux plus, mais je n’ai pas oublié. J’ai vécu des grosses grosses grosses injustices, au niveau du terrain. À un moment, ça m’a blessé, je n’avais vraiment plus envie. J’étais complètement dégoûté du foot. Je n’avais plus envie de m’entraîner, je n’avais plus envie de jouer. Quand on me disait de partir avec la réserve, je n’avais plus envie. J’étais à deux doigts d’arrêter. Ca m’a dégoûté du foot. Moi je voyais le foot avec mes yeux d’adolescent à l’époque. J’avais une vision angélique du foot. Avec le temps, j’ai appris qu’il fallait parfois jouer l’hypocrite. Mais faire l’hypocrite, moi, je n’y arrive pas. Je me rappelle d’un joueur qui était avec moi aux Girondins de Bordeaux, un grand défenseur qui me disait « il faut que tu joues l’hypocrite, joue l’hypocrite ». Je lui répondais tout le temps « je n’y arrive pas, je n’y arrive pas ». Quand quelque chose me déplaît, soit je le dis, et si je ne le dis pas, je le montre dans mon comportement. Cela m’a peut-être porté préjudice, mais ce n’est pas grave, je ne regrette rien. J’ai eu la chance de signer pro, il y a beaucoup de joueurs de ma génération qui auraient aimé signer pro dans leur club formateur. J’ai eu cette chance, j’ai eu la chance de fouler cette pelouse du stade Chaban-Delmas. À l’époque, j’ai pu jouer avec de grands joueurs, j’ai appris énormément de choses, des choses qui m’ont servi par la suite dans ma carrière. Cela m’a ouvert quelques portes, j’ai été respecté partout où je suis passé. Il y a eu du bon et du mauvais dans tout ça. Si c’était à refaire, je referais exactement la même chose.
Comment expliques-tu que Bordeaux n’ait plus connu de génération telle que la tienne, avec Marouane Chamakh, Rio Mavuba, Juan Pablo Francia notamment…
Est-ce que c’est un problème de recrutement ? Je ne sais pas. Est-ce que c’est un problème générationnel ? Un problème de talent ? Je ne suis pas dans les papiers du club. Je regarde ça de loin, et je me dis qu’à l’époque, on avait une génération quand même un peu plus talentueuse. Mais je pense que ce n’est pas qu’au niveau des Girondins de Bordeaux. Il y a beaucoup de joueurs de ma génération, et de la génération au-dessus de la mienne, qui font le même constat sur la nouvelle génération. Qui estiment que le niveau n’est pas le même niveau que le nôtre. Et même au niveau des observateurs, les supporters lambdas qui venaient voir les matchs de la CFA de l’époque, et même de l’équipe pro, voient qu’aujourd’hui le niveau a baissé. Après, ça c’est leurs analyses. Ce n’est pas spécifique aux Girondins de Bordeaux, c’est au niveau de la formation en France. Et bizarrement, on a l’impression qu’il y a beaucoup plus de joueurs qui sortent pros, qu’à notre époque. C’est beaucoup plus facile de sortir pro aujourd’hui, qu’à notre époque, il y en avait maximum 3 qui sortaient par génération. Et même, des fois, il n’y en avait pas du tout ! Parce qu’en équipe première à l’époque, il y avait des monstres ! Je me rappelle qu’à l’époque, il y avait Alou Diarra… Quand je suis arrivé, il y avait Jurietti, Cyril Rool, Laslandes, Kapsis, Ulrich Ramé, Jemmali, Darcheville, c’était des monsieurs… Nous, les petits jeunes, on arrivait dans le vestiaire, on avait même peur de s’entraîner des fois ! On avait peur de toucher le ballon, de peur de se faire engueuler ! Alors que pas du tout… Au contraire, c’était des mecs humbles, et pourtant il y avait des types qui avaient fait de grosses carrières. Qui étaient connus et reconnus, ils étaient humbles, nous encourageaient, et quand on arrivait, on se faisait tout petit. Et on les respectait. Chose qui n’existe plus aujourd’hui. Ou beaucoup moins.
Les clubs voient les recruteurs étrangers venir chercher les talents très tôt, c’est peut-être cela qui les poussent à proposer des contrats à davantage de joueurs qu’à l’époque. On le voit avec Yassine Benrahou par exemple, il est jeune, mais convoité.
Je vais te dire oui et non. Il y a des joueurs que j’ai vu évoluer aux Girondins, ou ailleurs, que je ne trouvais pas bon du tout. Et je me disais « putain ces mecs-là ont la chance de faire partie de cette génération ». Après il y a des joueurs comme le numéro 11 (Yassine Benrahou), j’ai trouvé qu’il était un des plus talentueux en tout cas de cette équipe de National 3. J’ai trouvé qu’il avait un super toucher de balle, il me faisait penser à Ounas dans sa façon de jouer.
De qui as-tu le plus appris lorsque tu étais au club ? Qui t’inspirait ?
Je ne dirais pas que je me suis inspiré d’un joueur, mais vraiment de tout le monde. J’observais. J’ai eu la chance de pouvoir m’entraîner avec Johan Micoud quand il est revenu sur Bordeaux. À l’entraînement, je regardais comment il jouait, sa façon de contrôler le ballon. David Jemmali, qui était pour moi un des meilleurs latéraux de France. Il y a avait Jean-Claude Darcheville. Même Rio Mavuba, sa façon de jouer au milieu de terrain, on était au même poste. Fernando… Wendel. J’ai eu la chance de jouer avec tous ces grands joueurs-là. De les avoir au quotidien, j’essayais de m’inspirer d’eux sur le terrain.
Et si tu ne devais en citer qu’un seul ?
Johan Micoud.
Lors de tes débuts dans le monde pro, tout le monde était d’accord pour te donner l’étiquette d’espoir. Tu avais un gros potentiel alors que tu étais encore jeune. Si tu devais recommencer ta carrière, que changerais-tu, pour réussir sur le long terme en première division ?
Je changerais mon entourage. J’étais entouré de pas mal de connards à l’époque. Et je pense que cet entourage m’a fait du mal. Je changerais mon entourage.
Comment vois-tu, de l’extérieur, cette période compliquée que vit ton club formateur ?
C’est dommage, parce qu’il y a le nouveau stade. Il y a des bons joueurs. De l’extérieur, on dirait que le coach a le cul entre deux chaises. On dirait qu’il n’y a pas une ligne fixée. On ne sait pas trop. Pourtant, sur le marché en France, des joueurs talentueux il y en a. Ou des joueurs qui auraient envie de revenir aux Girondins par exemple. Je pense à un gars comme Ben Arfa. Je ne comprends pas pourquoi on n’essaie pas de le récupérer. Un mec qui était à un moment donné en difficulté comme Hamouma. Il y a plein de joueurs comme ça. Qui en plus, ont une expérience en Ligue 1, et qui seraient ravis, je pense, de venir à Bordeaux. C’est un gros club français. Au niveau du cadre de vie, quasiment tous les joueurs qui ont joué à Bordeaux, y ont acheté une maison ! Les gens apprécient la région. Pour faire venir des joueurs à Bordeaux, il n’y a rien de plus simple ! Bordeaux est dans le top 4-5 des plus gros clubs français. Il ne devrait même pas y avoir de problème. Des fois, il y a des joueurs qui jouent aux Girondins actuellement, ou qui y sont passés, on ne comprend pas. On va chercher des joueurs à l’étranger -sans cracher sur eux bien sûr- alors qu’il y a des joueurs ici (en France) qui sont vraiment très très bons. Ils sont en manque de temps de jeu. Je pense à des mecs qui ont évolué avec moi et qui sont encore en pro. Je ne comprends pas qu’ils n’aillent pas chercher un mec comme Ecuele Manga par exemple, qui a connu le club. Ou des joueurs comme Floyd Ayité, Wilfried Moimbé. Un joueur comme Paul Lasne, qui est à Montpellier, qui fait des grosses saisons avec Montpellier, je ne comprends pas pourquoi on n’est pas allé le chercher par exemple. Alors que c’est un mec qui est formé au club. Il est à Montpellier, mais je suis certain qu’il serait super content de revenir à Bordeaux ! Puis c’est des mecs qui ont maintenant une grosse expérience au niveau professionnel, et qui seraient vraiment ravis de revenir sur Bordeaux. Il y a des choses que l’on regarde de l’extérieur, on se pose des questions. Le niveau du recrutement, parfois, on ne comprend pas.
On parle d’un rachat des Girondins de Bordeaux par des Américains. Penses-tu que cela serait une bonne chose ?
Je pense que oui. Pour faire venir des joueurs d’un plus gros calibre, je pense que c’est une bonne chose. Si à l’époque, on a été capable de faire venir des joueurs, même s’ils étaient en fin de carrière, comme Denilson, comme Vladimir Smicer, comme Bruno Cheyrou… Il y a de gros joueurs qui sont passés par les Girondins ! Savio, beaucoup de gros joueurs sont passés par Bordeaux. Je pense qu’il n’y aura pas de problème pour faire revenir de gros joueurs. S’il y a des investisseurs étrangers qui viennent mettre des sous aux Girondins de Bordeaux, je pense que ça ne peut être que bon pour le club.
Que peut-on te souhaiter pour la suite de ta carrière ?
Finir en beauté ! J’espère qu’on va monter en National 2 cette année. Ce serait quelque chose de super. Finir en beauté et ne pas avoir de blessure. Et du bonheur, tout simplement, avec ma femme et mes enfants !