InterviewG4E. Daniel Mancini : « Je n’ai pas eu ma chance, alors que je pensais la mériter »
Pas un seul match en professionnel. Daniel Mancini est l’exemple même que parfois notre club tourne à l’envers. Passant par le Proyecto Crecer et les Newell’s Old Boys, Daniel Mancini n’avait qu’une seule obsession et ambition : rejoindre les Girondins de Bordeaux. Et l’intérêt fut réciproque dès le départ. Dès son arrivée en France, le jeune argentin passa par la case réserve afin de s’aguerrir, s’acclimater, et garder la forme physiquement. Mais les deux saisons suivantes, les entraîneurs qu’il connut ne lui firent pas confiance, que ce soit Jocelyn Gourvennec, Gustavo Poyet ou Paulo Sousa, malgré les deux prêts intéressants à Tours puis Auxerre. Alors, comme beaucoup de jeunes formés ou venus aux Girondins, il partit, sans réellement que l’on compte sur lui et pire, sans même avoir sa chance. Explosera t-il ailleurs comme beaucoup d’autres joueurs qui l’ont précédé ? C’est une probabilité. En attendant, s’il ne se montre pas rancunier, il nous confia qu’il aurait tout de même au moins pu avoir être testé. Nous sommes de cet avis. Interview.
Tu es actuellement en Grèce. Comment ça se passe pour toi ?
Oui, nous sommes restés en Grèce. Nous attendons d’avoir des nouvelles pour savoir si on reprend le championnat et les entraînements. Normalement, d’après ce qui est dit, nous devrions reprendre les entraînements début mai et le championnat devrait reprendre en juin.
Tu as commencé par les Newell’s Old Boys et déjà, à l’époque, avec le partenariat du Proyecto Crecer, la presse annonçait que tu allais forcément t’engager avec les Girondins de Bordeaux. C’était déjà dans un coin de ta tête de rejoindre la France aussi à cette époque-là ?
Quand j’avais 13-14 ans, je suis venu une première fois à Bordeaux par le biais du Proyecto Crecer, qui avait cette collaboration avec les Girondins. Ensuite, quand j’avais 16-17 ans, les clubs se sont mis d’accord pour que j’aille aux Newell’s. Bien évidemment, dans ma tête, c’est ce que je voulais, venir à Bordeaux, ce qui est arrivé quelques années plus tard.
Quand tu es arrivé aux Girondins en janvier 2017, c’est Jocelyn Gourvennec qui était entraîneur. Quel a été son discours avec toi ? Celui de t’acclimater tranquillement pour ensuite avoir ta chance ?
Oui, la première fois où je suis arrivé aux Girondins, en janvier 2017 donc, c’était lui l’entraîneur. L’idée était d’y aller petit à petit, de prendre le rythme de jeu pour m’adapter. Bien évidemment, je pensais que j’étais prêt pour pouvoir jouer mais je n’ai jamais eu la chance de jouer. La saison qui a suivi, j’ai eu une autre discussion avec l’entraîneur et nous avons décidé que le meilleur pour moi était de partir dans un club pour jouer tous les matches, avoir un rythme de jeu et continuer d’apprendre et d’évoluer. Je suis donc parti à Tours pour jouer au football, ce que je voulais et que je ne pouvais pas faire en Bordeaux parce qu’on ne m’en avait pas donné l’opportunité.
Quelles sont les premières différences que tu vois entre le jeu français, et argentin, lors de tes premiers mois ?
C’était surtout sur le plan physique que j’ai noté la différence avec le football en Argentine. Je ne sais pas si footballistiquement, il y avait une grande différence car en Argentine, ça joue très bien au football. Mais en ce qui concerne l’aspect physique, c’est ce qui m’a marqué en arrivant aux Girondins.
A ce propos, tu as joué la fin de cette saison avec la réserve, qui est réputée pour avoir un championnat difficile, rugueux, et qui n’aide pas forcément à progresser pour atteindre la Ligue 1. Qu’as-tu pensé de ce championnat ?
Comme je ne jouais pas avec l’équipe professionnelle, je suis allé jouer avec l’équipe réserve. Et personnellement, je me suis senti bien, à l’aise. C’était ce dont j’avais besoin. Bien évidemment, il fallait bien travailler avec la réserve, car dans ce cas-là, l’entraîneur peut te donner l’opportunité de jouer plus par la suite. En le faisant sérieusement, je pense que tu peux avoir cette chance-là. Je ne pense pas que ce soit un obstacle de passer par l’équipe réserve. C’est même par là qu’on devrait tous passer.
Tu parlais tout à l’heure de ton départ pour Tours. Quel était ton état d’esprit à ce moment-là ? Était-ce une déception de quitter Bordeaux alors que tu venais d’arriver ? Ou tu as pris cela comme une opportunité ?
Bien évidemment, ce que je voulais c’était rester à Bordeaux et y jouer. Mais comme je l’ai dit tout à l’heure, après avoir parlé avec l’entraîneur, la meilleure option était de partir pour avoir du temps de jeu durant cette saison. Je pense que j’ai bien fait de le faire, car si j’étais resté, je n’aurais peut-être pas joué pendant 6 mois supplémentaires et à mon âge, ce n’est pas le meilleur que je pouvais faire. Je pense que c’est un chemin que j’ai pris, c’était pas la meilleure option que je souhaitais mais je ne suis pas du tout déçu de l’avoir fait. Je suis parti à Tours, j’ai beaucoup joué, je me suis senti bien là-bas. D’un point de vue personnel et professionnel, ça m’a beaucoup aidé.
Quand tu es revenu de Tours, Gustavo Poyet était alors entraîneur des Girondins. On pensait qu’entre sud-américains il aurait pu y avoir une connexion entre vous mais finalement, il avait d’autres plans pour toi et tu es parti à Auxerre. Comment as-tu vécu cette période ?
Quand je suis allé à Tours, je me suis blessé en fin de saison et je suis revenu à Bordeaux pour la récupération avant la fin de la saison. Je suis resté quasiment un mois et à ce moment-là, il y avait Gustavo Poyet. On n’a pas réellement parlé de mon cas, je le voyais lors des entraînements et nous parlions normalement. Mais par la suite, quand je suis parti en vacances, en Argentine, mes agents ont eu des contacts avec lui et l’idée de Bordeaux et de Gustavo était que je ne rentrais pas dans leurs plans pour cette saison. Donc automatiquement, on a cherché des clubs. Il y avait des offres et Auxerre a été la meilleure offre que j’avais. Il fallait que j’y aille, que je prenne cette opportunité puisqu’à Bordeaux, ils ne comptaient pas sur moi.
A Auxerre, tu réalises une belle saison, encore plus lorsque tu es repositionné en tant que numéro 10. Est-ce qu’il s’agit de ton réel poste, et quel avis as-tu sur la disparition des numéros 10 dans le football moderne ?
A Auxerre, j’ai eu la chance d’avoir un entraîneur qui m’a donné sa confiance, c’était Pablo Correa. Il m’a donné confiance en moi. J’ai fini par jouer en numéro 10 et je me suis senti vraiment à l’aise. Je ne sais pas si c’est le meilleur poste pour moi, mais j’ai aimé. Avec Newell’s ou avec les Girondins de Bordeaux, je jouais en milieu central offensif. Ca ne change pas beaucoup d’un positionnement de numéro 10, qui disparaît un peu, en effet. Je pense que ce positionnement est très important. Je m’y suis senti à l’aise personnellement.
Les dirigeants de l’AJA voulaient te conserver mais cela ne s’est pas fait. Tu sais pour quelles raisons ?
Oui, nous avons eu des discussions, après la saison, avec les deux clubs, mes agents et moi-même. Personnellement, j’avais vraiment envie de rester à Auxerre. Je m’y suis senti très bien, comme à la maison. Je m’entendais bien avec tout le monde, j’étais réellement heureux. Mais, après, c’est le monde du football. Il y a des choses sur lesquelles nous n’étions pas d’accord entre le directeur sportif et le club d’Auxerre en général. Puis est arrivé la Grèce et l’Aris Salonique.
Avant de partir en Grèce, tu es revenu à Bordeaux et tu as fait ensuite partie à l’intersaison du groupe que l’on a appelé « les lofteurs ». Comment as-tu vécu cette période où tu as été écarté du groupe pro par Paulo Sousa ? As-tu eu une discussion avec Paulo Sousa et que t’a-t-il expliqué ?
Avant que ne débute cette saison à Bordeaux, j’étais en vacances en Argentine et il se disait, je ne sais pas qui exactement, qu’ils n’allaient pas compter sur moi pour cette saison. Quand je suis venu à Bordeaux, pour la préparation, j’ai eu une discussion avec Paulo qui m’a dit qu’à mon poste, il avait des joueurs. Il pensait m’amener dans le groupe pour la tournée aux Etats-Unis, je me suis blessé juste avant. Je suis resté pour me soigner à Bordeaux et quand ils sont revenus des USA, je me suis entraîné normalement avec eux. Je n’ai jamais été dans le groupe des « lofteurs ».
Avec du recul aujourd’hui, qu’est-ce qu’il ta manqué pour avoir ta chance aux Girondins de Bordeaux ? As-tu l’impression que Bordeaux ne fait pas confiance aux jeunes, qu’on ne t’a pas donné ta chance ?
Pour ma part, je n’en veux à personne. J’ai fait le maximum pour mériter une opportunité. Je pense qu’à chaque fois que j’ai été prêté, j’ai bien travaillé pour avoir cette chance. Après, ce sont des décisions que prennent les entraîneurs et il faut la respecter. J’ai toujours été silencieux, je n’ai rien dit et j’ai toujours respecté les décisions prises par le club. Après, bien évidemment, il y a des jeunes joueurs à Bordeaux qui ont eu cette chance, moi, je ne l’ai pas eue alors que je pensais la mériter. Mais ce sont leurs décisions, chaque entraîneur a ses joueurs en tête et c’est ainsi. Je ne regrette rien.
Il y a quelques mois, nous avons appris la fin du partenariat du Proyecto Crecer avec les Girondins de Bordeaux. Quel est ton avis sur le sujet ?
Oui, j’en ai entendu parler. C’est dommage parce que le Proyecto Crecer travaillait bien, ils essayaient toujours de faire les choses de la bonne manière. Je ne sais pas pourquoi les Girondins n’ont pas voulu continuer, ils doivent avoir leurs raisons. Mais je suis un peu déçu car ce projet peut permettre à des joueurs d’avoir l’opportunité de venir à Bordeaux. C’est dommage mais le football est ainsi.
Est-ce que tu continues à suivre Bordeaux ? Que ce soit sur le terrain ou au club ?
Je les suis toujours, surtout à travers les réseaux sociaux. Je regarde aussi les matches bien sûr, c’est un club qui restera gravé en moi. Si je dois regarder un match français et que je vois que Bordeaux joue, bien évidemment, je vais regarder Bordeaux. Je suis en contact avec des amis qui sont supporters du club, donc je reste au courant de ce qui s’y passe.