InterviewG4E. Philippe Fargeon : « Je veux savoir, il faut à tout prix que la vérité éclate ! »

    Philippe Fargeon s’est exprimé sur la situation actuelle des Girondins de Bordeaux. L’ancien attaquant bordelais ne souhaite pas prendre parti, n’ayant pas tout les éléments en mains pour juger tous les dossiers ces dernières semaines. Cependant, il souhaite savoir car l’on touche à « son » club, et l’image qu’il renvoie est mauvaise. Et selon lui, cela passe par un « comité indépendant total », afin de faire la lumière sur tout ce qui se dit. Interview. 

     

    Depuis plusieurs jours, comme vous le savez, les Ultramarines ont diffusé des extraits d’enregistrements de réunions du Comité des membres, où on entendait Frédéric Longuépée et Antony Thiodet avoir certains propos. Nous souhaiterions revenir avec vous sur des faits abordés. Dans un de ces enregistrements, Frédéric Longuépée explique qu’il allait au rendez-vous à la DNCG – sachant qu’il présentait une économie non équilibrée et que pour le prochain rendez-vous en mai – qu’il irait faire un numéro de claquettes. Que vous inspirent ces révélations ?

    Je vais avoir beaucoup de retenue et je vais vous expliquer pourquoi. Il y a des bribes d’informations qui sortent d’un côté, comme de l’autre : des journalistes d’investigation qui font très certainement bien leur travail, des phrases qui sont des morceaux de phrases. Je prends le parti de cette neutralité, ça veut dire dans un premier temps, ce qui a été dit, ou peut-être été dit, est grave. Il faut à tout prix que la vérité éclate. Et elle ne peut éclater à mon avis qu’avec la création d’un comité indépendant total qui a le pouvoir d’écouter tout le monde. Comme peut le faire le Sénat quand il y a des histoires. Je pense que l’on doit savoir réserver notre droit de réponse en ayant tous les éléments. Je suis effectivement d’avis à ce qu’une commission se crée, avec des gens complètement indépendants du club, avec des anciens joueurs, des sponsors locaux, avec des journalistes, pourquoi pas, avec des hommes politiques qui représentent notre région. En aucun cas, avec des gens qui sont rattachés de près ou de loin avec le club.

     

    Avec ces révélations, vous ne pensez pas que la DNCG va avoir un œil complètement différent sur les Girondins maintenant et risque de sanctionner le club ?

    Je pense que la DNCG va vouloir faire comme tout le monde, elle va vouloir avoir des explications. Les déclarations n’engagent que ceux qui les ont diffusées. Je ne suis pas pour ou contre dans cette histoire, je veux juste que l’histoire sorte, que la vérité soit faite. Et pour que toute la vérité soit faite, il faut que tout le monde s’exprime, que l’on récupère tous les éléments que l’on a et que tout le monde vienne s’expliquer sur ce qui s’est passé. C’est à partir de ça, que l’on tranchera, que l’on jugera. L’objectif étant de sauver le club, qu’il retrouve une image qui était la sienne, une image où les gens ont envie de venir. Je reçois beaucoup de coups de téléphone depuis quelques jours, de gens qui sont proches des Girondins, supporters, partenaires, et qui sont aussi tristes que moi de cette situation. Ca ne me rassure pas. Avant, dans mon agence immobilière, les gens venaient me trouver en me disant que les Girondins n’avaient pas bien joué, etc… et là, depuis un an, il n’y a plus personne. Je préférais quand ils venaient râler. Aujourd’hui, on a l’impression qu’ils ont honte de parler des Girondins. C’est dramatique.

     

    Dans le même enregistrement, Antony Thiodet explique que dans le service de 32 personnes qui est sous sa responsabilité, des salariés ont posé leurs congés et d’autres étaient en chômage partiel total, mais continuaient tous à travailler. Le respect du droit du travail des salariés du club est clairement bafoué, ce qui va totalement à l’encontre des valeurs que porte le FCGB ?

    Je suis d’accord avec vous si cela est justifié et prouvé. Je reprends ce rôle de neutralité. Effectivement, je pense que c’est dramatique si c’est vrai. Je préfère toujours prendre le temps de la réflexion, j’ai attendu avant de répondre aux sollicitations pour répondre car je crois qu’il faut savoir garder raison. Il faut attendre et avoir la vérité. L’objectif de toutes ces déclarations, ça ne doit pas être de condamner mais de découvrir la vérité. J’ai cette optique-là. Si c’est avéré, c’est grave, pour n’importe quelle société. On sait très bien que c’est de la triche. Encore faut-il qu’on écoute les personnes. On ne peut pas faire de procès sur des déclarations qui ont été enregistrées, sans remettre quoique ce soit en cause : ni les déclarations, ni les enregistrements. Il faut avoir tous les éléments pour pouvoir juger. Je prendrai position le jour où j’aurai toutes les informations. Par contre, je veux savoir.

     

    Ce qui serait bien à ce sujet, ça serait que les salariés du club fassent porter leurs voix, même si on sait qu’ils risquent pour certains leurs emplois en le faisant…

    Quelles que soient les personnes impliquées, il faut qu’elles soient entendues par une commission, qui écoute tout le monde. Et je vous rappelle que même si les Girondins est un club privé, il y a de l’argent public dedans. Notre club n’appartient pas qu’aux américains, il appartient aux Girondins, aux Aquitains, aux Français, aux Européens, qui sont fanatiques des Girondins de Bordeaux. Et il y en a beaucoup qui sont aussi tristes que moi. Rien que pour eux, on se doit d’aller chercher la vérité. Mais en toute neutralité en premier temps.

     

    Frédéric Longuépée a répondu à ces enregistrements, dans un premier temps par un courrier adressé aux salariés du club, en mettant en avant que ces attaques « étaient orchestrées par les Ultramarines et soutenues par des personnes habituées aux scandales et de pseudos amis du club, probablement déçus de n’y jouer aucun rôle ». Que pensez-vous de ce manque de considération des supporters de tous bords qui s’expriment ouvertement sur leur club de cœur ? Vous vous sentez concernés par cette phrase ?

    Je prends acte de ce qu’il vient de dire et j’aimerais qu’il approfondisse. Il a déclaré des choses et il dit qu’il y a la possibilité qu’il y ait des gens qui regrettent de ne pas avoir un poste aux Girondins… qu’il donne des noms. Et qu’il se justifie car c’est facile de balancer ça comme ça. C’est pour ça qu’il faut faire très attention. Il a peut-être des noms, des preuves. Je continue en affirmant qu’il faut qu’il y ait une commission qui se crée parce que ce sont des paroles en l’air, là. Quand on veut noyer son chien, on dit qu’il a la rage. Peut-être que c’est la vérité, qu’il y a des gens qui ont des intérêts personnels, pour que ça ne se passe pas bien aux Girondins, c’est possible aussi. Mais la vérité n’éclatera que si on peut avoir tous ces éléments.

     

    Vous parlez souvent de la création de cette commission pour faire éclater la vérité et rétablir le dialogue. Vous ne pensez pas que c’est ce qu’ils ont voulu faire quand ils ont créé ce Conseil des membres ?

    Peut-être, mais ce comité des membres, il faut savoir qui a été choisi, comment. Je ne suis même pas au courant de ce Conseil des membres. J’ai appris qu’il y avait quelques anciens joueurs des Girondins, je ne sais pas qui sait. Pour ma part, je n’ai jamais été sollicité mais ce n’est pas la question. La question est qu’il faut essayer de comprendre ce qui se passe aujourd’hui, d’écouter tout le temps, une enquête avec des résultats sera établie. A partir de ce moment-là, soit on arrive à trouver un accord et c’est tant mieux, soit on n’y arrive pas et il faudra trouver une solution. Les Girondins, au-delà des américains, cela implique un certain nombre de personnes. Si les personnes ne peuvent pas s’entendre et discuter, il faut changer ces personnes. On part avec un projet ambitieux. C’est tout le sport local, aquitain, qui est touché mine de rien. C’est l’image du club que l’on touche, je trouve ça surprenant. Vous le savez depuis le temps que l’on fait des interviewes ensemble, vous savez ma position par rapport à ça. Ca fait des années que je dis qu’il faut mettre un grand coup de pied dans cette fourmilière car c’est toujours la même chose. Tant qu’on ne l’aura pas donné correctement, ils continueront à faire croire que tout va bien. Mais un jour ou l’autre, ça éclate. Aujourd’hui, les supporters en ont ras le bol. Il y a un gros souci entre les supporters et la direction mais je pense que c’est encore plus profond que ça. Aujourd’hui, si on veut trouver une solution, il faut essayer de comprendre. Si on ne trouve pas de solutions, il faudra envisager autre chose. Mais trancher dans le vif, ce n’est pas ma position.

     

    Dimanche, Frédéric Longuépée s’est exprimé sur l’Equipe et à la question de savoir quel était le projet du club, il a répondu qu’en résumant, c’était « 1. Le projet sportif, évidemment. 2. Renforcer le champ d’influence du club dans la région. Il faut que le club s’impose comme une icône de la Nouvelle Aquitaine. 3. Le faire aussi au niveau international. Pour illustrer cette stratégie, on présentera bientôt un nouveau logo. 4. Une maison pour les Girondins de Bordeaux avec le stade. »  Alors, c’est bien beau, mais c’est flou, non ? On ne sait toujours pas le contenu, ce qu’on veut faire…

    Ca fait même plus de 2 ans que ça dure. C’est quand même M6 qui a trouvé les repreneurs. C’est beau, c’est bien comme projet, mais il y a quoi : des coquilles vides, c’est tout. Je me pose plein de questions moi qui suis en dehors du club. La dernière fois que je suis allé au Haillan à l’entraînement, ça doit faire 6 ans maintenant. Je suis complètement en dehors de tout ça, car je vous l’ai dit, je suis déçu. J’ai essayé de parler mais ça ne suffisait pas donc j’ai arrêté. Maintenant, je suis sollicité pour parler un peu plus, mais ça m’énerve de voir ça. Je veux comprendre. Mais je n’ai pas la prétention de trouver des solutions, cependant j’ai au moins la prétention de dire qu’on a le droit d’avoir accès à tous les éléments, de savoir quelles sont les sources de ces informations et comment elles ont été collectées. On veut savoir ce qu’il y a dans ce projet sportif, dans ce projet de club. Parce que moi, les coquilles vides ou qui sont ficelées, ça ne m’intéresse pas.

     

    Dans ce même entretien avec l’Equipe, Frédéric Longuépée affirme qu’Antony Thiodet « a la confiance du club et la mienne pour relever le challenge qui lui a été confié : remplir les tribunes et faire grandir notre base de supporters. Même si ça ne se voit pas encore assez, il a déjà obtenu des résultats probants en augmentant la fréquentation payante du Matmut et en réduisant les invitations ». Avez-vous l’impression que le stade est plus rempli ? La sensation est bien différente chez nous…

    Non, mais vous savez, on fait dire ce que l’on veut aux chiffres. Il faut du concret. Peut-être que s’il dit ça, c’est que dans un des calculs effectués, il y a plus de rentrées financières dans le stade aujourd’hui en faisant venir 7000 ou 8000 personnes que quand il y en a 25 000, peut-être. Mais tout ça, il faut que ça se justifie et il faut l’expliquer. On peut faire tout dire aux chiffres. Est-ce qu’on a plus de supporters ? Est-ce qu’il y a plus d’entreprises qui sont là pour aider financièrement ? Pour les entreprises, s’il n’y a pas de supporters, s’il n’y a plus de Virage Sud, il n’y a plus d’entreprises qui vont vouloir venir au club. C’est un équilibre qui est très difficile à trouver. Les privés passionnés, j’en connais beaucoup qui sont partenaires des Girondins, qui mettent de l’argent et invitent leurs clients tous les weekends pour aller voir les Girondins. Ils mettent de l’argent, ce qui n’est pas donné, ils savent très bien qu’ils viennent aussi pour le spectacle du Virage Sud. Quand on invite des clients qui ne connaissent pas le foot, ils vont venir pour le match, certes, mais ils sont de suite attirés par le spectacle du Virage Sud et celui du Virage Nord quand il participe. C’est un équilibre très difficile à trouver mais il faut le retrouver. On refera venir des gens au stade quand les supporters seront là, quand les entreprises inviteront leurs clients et là ça redémarrera.

     

    Frédéric Longuépée a également affirmé qu’il allait portait plainte contre les Ultramarines. Comprenez-vous qu’un club puisse porter plainte contre ses propres supporters ?

    Ca s’est déjà fait pour d’autres raisons. C’est dangereux. Plutôt que de porter plainte, il faudrait que tout le monde puisse s’expliquer, auprès d’une commission neutre. Et si la plainte est vraiment portée, cela voudra dire qu’on n’aura trouvé aucune solution. Je ne suis pas sûr que dans ces temps difficiles ce soit la solution. Si cela concerne les menaces de mort, etc… cela peut être justifié, mais je ne pense pas que cela soit bien joué. Mais si c’est pour la divulgation des enregistrements… Après, ils peuvent toujours porter plainte, est-ce que la plainte sera reçue ensuite… je ne sais pas. C’est toujours pareil, avant de juger, je veux comprendre. Il y a des choses pas belles qui se sont peut-être passées : soit ce sont des mensonges et ce n’est pas bien, soit c’est la vérité et ce n’est pas bien non plus. D’un côté comme de l’autre, il faut se comprendre. Moi, tant que je n’ai pas tous les éléments sous les yeux et qui sont analysés par des personnes indépendantes, je ne peux pas me positionner mais cela n’empêche pas que je veux savoir.

    Merci Philippe !