InterviewG4E. Elie Baup : “Cela ne correspond pas au Bordeaux que je connais”

    A l’approche de la rencontre de Ligue 1 opposant les Girondins de Bordeaux et son voisin toulousain (match disponible sur BeIN Sports Max 4 ce dimanche à partir de 15 heures), nous avons voulu interviewer une icone de ces deux équipes. Et forcément lorsque l’on pense à ces deux formations du Sud Ouest, le nom d’Elie Baup arrive très très haut dans la liste. 632 matches coachés en France, plus de 100 matches européens, consultant BeIN et intervenant sur le plateau Multi Ligue 1 en compagnie de Smaïl Bouabdellah, le natif de Saint-Gaudens est LA référence en termes d’entraîneur en France. Nous avons donc eu la chance d’échanger avec lui sur certains sujets comme la politique du club, le rachat des Girondins par les américains, le poste de gardien de but et d’autres souvenirs impérissables. Un honneur, que voici. Interview.

    Elie Baup coach Bordeaux

    Chaque année, nous avons l’impression de revivre les mêmes saisons, avec un manque de constance… Comment pouvez-vous expliquer ce qui se passe à Bordeaux depuis des années, vous qui connaissez bien l’environnement ?

    « On ne voit pas bien le projet global du club pour le moment. Ce sont de nouveaux repreneurs, et il y a toujours les mêmes maux qui reviennent. Il n’y a pas de transition, on ne sait pas trop ce qu’il va se passer. C’est une année où il n’y a plus de Coupe, l’équipe bordelaise a été éliminée très vite de la Coupe d’Europe, il n’y a pas trop de perspective de challenge sportif. En championnat, j’ai entendu qu’ils voulaient acquérir leur maintien. Ce n’est pas un discours très positif… ».

     

    Vous expliquez il y a peu que Bordeaux manquait d’un « manque de pérennisation d’un projet de club ». Sous-entendu qu’on change également vite d’entraineur lorsque cela va mal. Que préconiseriez-vous ?

    « Je suis resté longtemps à Bordeaux, sept saisons. Il y avait un fond avec un directeur sportif, un président, c’était une autre époque. Aujourd’hui, cela change beaucoup. Après, je n’y suis pas, mais cela ne correspond pas au Bordeaux que je connais ».

     

    Multiligue 1 – Boulogne Billancourt – 04/11/2017
    Copyright : PANORAMIC

     

    Pour prendre la succession de Jocelyn Gourvennec, votre nom est de nouveau revenu l’hiver dernier. Y a-t-il eu des contacts, et ce poste vous intéressait-il ?

    « Cela m’intéressait, oui. Aujourd’hui, c’est un autre ancien qui est revenu, Ricardo. Cela n’a pas avancé comme il fallait me concernant. C’est un club que je connais bien. On avait mis en place tous les ans la formation. Les retours, c’est toujours très difficile. Ricardo est revenu, tant mieux pour lui, c’est très bien. Au niveau de mon départ du club, il n’y a pas eu de clash. L’on voit aujourd’hui Thierry Henry, Laurent Blanc, ça se fait. Il n’y a pas eu d’accord à l’amiable. On est allé jusqu’au bout pour trouver un accord, c’est tout. Je pense que cela aurait pu se régler à l’amiable à l’époque. Cela ne s’est pas fait, donc il y a eu un procès ».

     

    Le projet des américains semble prendre forme, après de nombreuses semaines de flou, avec pour volonté de prendre des jeunes à fort potentiel. Que pensez-vous de cela ?

    « Pérenniser un club en France, cela se fait avec les recettes des spectateurs, des sponsors, du marketing, ce n’est pas évident. Heureusement qu’il y a les droits télé. Ils amènent une bonne somme financière. Malgré tout, si l’on veut aller plus loin, il faut choisir une stratégie. Soit former des joueurs avec votre centre et vous les revendez, ce qui n’est pas facile car il faut aller chercher les meilleurs. Soit vous prenez des joueurs avec du potentiel, post-formation, et vous travaillez avec eux comme Monaco. C’est une option qui est viable mais qui demande du travail, de l’investissement. Il faut faire de bons choix, avoir une cellule de recrutement, de détection et être pointu sur le recrutement. Pour ensuite travailler avec ces joueurs, leur faire passer des paliers pour faire des plus-values et pour pérenniser le club financièrement ».

     

    Le club manque t-il de joueurs cadres pour épauler cette équipe avec une moyenne d’âge assez jeune sur le papier ?

    « Non, pas forcément. Ils y sont, il y a Jaroslav Plasil, Jimmy Briand, Benoit Costil, des joueurs qui connaissent bien la Ligue 1. C’est un choix sportif, un choix d’avoir une équipe dynamique jeune et un effectif de Ligue 1 qui tient la route. Avec cette dynamique, je ne dis pas que vous pouvez jouer la Ligue des Champions, mais vous pouvez être européen avec cette politique  ».

     

    Toulouse

     

    Ce dimanche, c’est Bordeaux-Toulouse, deux équipes que vous avez coachées, deux équipes dans le ventre mou. Comment voyez-vous cette rencontre ?

    « On s’achemine vers un match nul lorsque l’on regarde leurs performances actuelles. Ce ne sont pas des équipes qui marchent bien. Ce sont des équipes qui sont à la croisée des chemins. Pour Bordeaux, c’est délicat, face à Paris et Marseille, il n’y a pas eu de points de pris. Toulouse a fait match nul chez lui sur le dernier match. Ce sont des équipes qui basculent avec une dynamique positive ou qui stagnent. Comme c’est un match nul qui semble se dessiner, ils vont continuer leur périple ».

     

    Vous connaissez bien le poste de gardien de but, et comme le disiez récemment, les gardiens aux Girondins ont toujours eu une identité forte. Quel regard portez-vous sur Benoit Costil ?

    « C’est un gardien d’expérience en Ligue 1. A Rennes ou même là, il assure par son expérience. A coté, il y a des jeunes gardiens comme Jérôme Prior (actuellement à l’essai en Norvège, ndlr), Gaëtan Poussin, qui ont bien été formés dans le centre. Il y a aussi Paul Bernardoni à Nîmes, plein de possibilités. Ce que j’aime, c’est que ce sont de jeunes gardiens du club qui passent. Gaëtan Poussin, on ne m’en a dit que du bien, il y a aussi le frère de Steve Mandanda, Over. Il y a un travail de la formation qui a été mis en place par Franck Chaumin, qui devrait porter ses fruits à l’avenir. Pour Benoit Costil, c’est l’expérience, un très bon gardien de Ligue 1 ».

     

    Benoit Costil et Paul Bernardoni

     

    La saison prochaine, Bordeaux devra faire une fois encore avec Paul Bernardoni, qui montre cette saison une réelle progression. Quel est votre regard sur le portier prêté à Nîmes, et sur ce que devraient faire les Girondins ?

    « Je ne sais pas trop où ils en sont au niveau de la concurrence. On était surpris car on pensait même que Jérôme Prior avait un bel avenir qui ne s’est pas confirmé. Paul Bernardoni est allé à Clermont ensuite, où il a fait une belle année en Ligue 2. A Nîmes, il est en progression. C’est un gardien qui franchit des paliers. Dans la continuité, on verra. Ce sera encore un palier supplémentaire de jouer à Bordeaux s’il jouera. Même s’il y a toujours une interrogation, il représente toujours l’avenir ».

     

    Ça vous arrive, parfois, de penser à Dominique Dropsy ?

    « Je pense régulièrement à lui. Je pense à sa famille que je connais, même si c’est très délicat. J’étais bien sûr aux obsèques. D’abord, cela a été un gardien avec une formidable histoire avec le football, avec Strasbourg, l’Equipe de France, Bordeaux, etc… Humainement, c’était quelqu’un de formidable. J’ai encore du mal à imaginer qu’il soit parti, c’était quelqu’un d’extraordinaire. C’était quelqu’un qui mêlait à la fois gentillesse, joie de vivre. Avec lui, ce n’étaient que des bons moments, à la fois au travail et surtout en dehors ».

     

    Petite partie souvenir désormais : au sujet du titre de 1999, quelle est l’image qui vous revient de suite en tête ? Une anecdote peut être sur cette fabuleuse saison ? 10 après, comment avez-vous vécu l’autre titre ?

    « Je pense à de beaux matchs, une idée de jeu offensive avec tout le temps quatre joueurs offensifs, deux numéros 10 et deux attaquants. L’on pense à Johan Micoud, Lilian Laslandes, Sylvain Wiltord, c’était très offensif tout le temps. Cette envie de toujours marquer des buts, de faire du spectacle, je pense en premier à ça. Et après, le retour au Parc Lescure, à je ne sais pas quelle heure du matin, où il y avait tout le monde : une fête énorme. Le style de jeu de l’équipe, le potentiel, ce plaisir que tout le monde avait et une communion avec les joueurs et le public vraiment super.

    En 2009, je travaillais avec un autre club mais j’étais heureux pour Laurent Blanc, pour les Girondins aussi. 10 ans après, c’était beau, et c’est aussi pour cela que cette année, cela faisait 10 ans aussi. Ils auraient pu gagner la Coupe de la Ligue pour faire une fête tous les 10 ans. En étant en demie, c’était possible. Je lui avais dit à Eric Bédouet, comme message, de s’accrocher et de pouvoir faire la fête de nouveau ».

     

    Elie Baup
    Copyright : PANORAMIC

     

    Depuis 2013, vous n’avez malheureusement plus été appelé dans la peau d’un entraîneur par un club, même si plusieurs contacts ont eu lieu depuis. Est-ce que le terrain vous manque toujours ? Comment expliquer que certains clubs ne pensent peut-être pas à vous, alors que vous avez un CV qui parle pour vous ?

    « Oui, le terrain me manque. Avec Marseille, on a fini second. Avec la Ligue des Champions et un groupe un peu difficile avec Dortmund, Naples, Arsenal, on n’a pas pris de point. J’ai été un peu évincé suite à ces performances en Ligue des Champions. On est allé en Ligue des Champions après un beau parcours en championnat et derrière il y a eu le revers de la médaille dans cette compétition. J’ai été évincé suite à cela. Derrière, j’ai refusé certains challenges que je regrette un peu aujourd’hui. J’aurais pu relever ces challenges qui se présentaient à moi en France. J’ai refusé car je ne pensais pas avoir toutes les garanties, mais quelque part je ne pouvais pas avoir des situations parfaites tout le temps. A l’étranger, il y en a toujours aussi. J’ai aussi été sollicité, mais ce n’est pas un choix de vie et de carrière que j’ai fait de partir à l’étranger. J’ai fait plus de 600 matches professionnels, plus de 100 matches de Coupe d’Europe, avec tous les clubs -même avec Toulouse- on est allé en tour préliminaire de Ligue des Champions. A chaque fois, j’ai fait de bonnes saisons. Avec Bordeaux, on a aussi toujours été européens. J’ai quelques expériences en Europe, et je m’attendais à avoir des propositions de clubs dans cet esprit européen. Mais je n’ai eu que des challenges à relever pour des équipes qui jouent le maintien ».

     

    Un grand merci à Elie Baup de nous avoir accordé ce très bel entretien

    Retrouvez Bordeaux-Toulouse, dimanche à 15 heures, uniquement sur beIN Sports