InterviewG4E. René Girard : “J’ai vécu de belles choses, grandes à Bordeaux et humainement à Nîmes”

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    Avant la rencontre entre les Girondins de Bordeaux et le Nîmes Olympique, nous nous sommes entretenus avec un joueur emblématique des années 1980, qui a dédié sa carrière de joueurs à ces deux clubs. Il a porté le maillot au scapulaire plus de 300 fois et a laissé définitivement une marque de son passage dans l’histoire du club : trois titres de champion de France, deux coupes de France et deux demi-finales de coupe d’Europe. Connu pour son tempérament sanguin qui forge sa réputation, il a enchaîné avec une belle carrière d’entraîneur qui lui aura valu d’être élu à deux reprises meilleur entraîneur de Ligue 1 (en 2012 avec le Montpellier HSC et en 2014 avec le Lille OSC). Cet homme, c’est bien évidemment René Girard avec qui nous avons eu l’honneur de nous entretenir et avec lequel nous avons parlé de son histoire de cœur avec le FCGB ainsi que son avis sur les performances actuelles des Girondins. Merci beaucoup René pour votre disponibilité et votre sympathie.

     

     

    Vous étiez un joueur et vous êtes un coach à poigne, avec du caractère. Selon nous, c’est justement ce qu’il manquait aux Girondins de Bordeaux lors des dernières années, et là il semble que l’équipe en place en ait un peu plus, ce qui lui permet d’avoir des résultats. Êtes-vous d’accord avec ça ?

    Complètement ! Moi, j’ai découvert Bordeaux en 1980 et c’était une équipe qui dans le passé était considérée comme très dure, des Baudet, Couécou, Péri, je parle d’une période avant la mienne encore. Bordeaux a toujours été une équipe de tempérament, solide, agressive. Je me rappelle même quand j’étais à Nîmes, il y avait Jean Gallice, il y avait beaucoup de joueurs de tempérament, c’était costaud aussi. Il y a eu notre période, puis celle de Zizou et Duga, qui ont vécu de belles choses… C’est une ville où il fait bon vivre, c’est une ville magnifique, il faut se booster un petit peu pour aller chercher de l’agressivité. C’est vrai que pendant quelques années, le club était tombé dans le train-train, dans le gentillet, ce qui se répercutait dans le jeu, sur les résultats. L’arrivée d’un nouvel entraîneur qui amène son savoir et ce qu’il avait envie de mettre en place : de la rigueur et du sérieux. On s’aperçoit que c’est un club qui peut exister encore au plus haut niveau et qu’il est en train de le démontrer.

     

    Il est indéniable que Paulo Sousa a apporté quelque chose depuis son arrivée. Son discours de culture de la gagne, allié à un schéma tactique réclamant beaucoup de précision, commence à payer. Que pensez-vous de son travail depuis le début de saison ?

    Un entraîneur qui gagne est un bon entraîneur. Ce qui est important aussi c’est d’avoir de la continuité dans ce que vous faites. Il a l’air de savoir où il veut aller et surtout comment. Dans un club qui ces dernières années en manquait pas mal, c’est une très bonne chose pour le club. Il n’y a qu’à voir le classement aujourd’hui, ce n’est pas terminé, il le sait aussi, il faut continuer à travailler, se remettre en question. Aujourd’hui le club se retrouve dans le Top 5, c’est très positif. Rien que les résultats parlent pour lui et ce qu’il est en train de faire.

     

    Paulo Sousa

     

    Selon les dernières informations, il semblerait qu’il y ait de nouveau des changements à la tête du club, puisque le plus gros fonds d’investissement rachèterait les parts du plus petit. La gestion du club ne semble pas aller dans le bon sens ces dernières années, alors que l’on sent une certaine confiance s’installer sur le côté sportif. C’est un peu compliquée la situation actuellement…

    C’est toujours le souci, ces clubs qui bougent, de nouveaux investisseurs. On aperçoit de plus en plus des investisseurs de l’étranger, il y a beaucoup de monde qui arrive et qui des gens veulent investir. Je crois que là aussi c’est important, la sérénité, la continuité, des performances et ce qu’ils veulent obtenir. On s’aperçoit qu’il y a des gens qui arrivent dans les clubs, c’est juste une question de pognon, d’affaires. Je crois que la continuité est importante. Les gens ne sont pas cons, les supporters, ils sont attentifs et voient un petit peu ce qui se passe. Ça transpire sur le sportif, ce qui se passe à côté. C’est indéniable. Les gens sont attentifs et il ne faut pas trop s’amuser avec tout ça. Aujourd’hui, c’est devenu un petit peu quelque chose de plus courant. Par le passé, ça bougeait beaucoup moins à ce niveau-là. Il y avait un patron qui restait, ça durait. Aujourd’hui, il y a un quart qui est là, une moitié là-bas et on remet tout ensemble. C’est toujours un peu compliqué et je suis persuadé, contrairement à ce qu’ils peuvent dire, que ça a des répercussions sur les résultats, le fonctionnement et le bien-être du club. Le football aujourd’hui est une entreprise. Il y a longtemps que ça l’est et ça le devient de plus en plus. Il faut que tout le monde tire dans le même sens. Il ne faut pas oublier qu’un club bien structuré c’est entre 50 et 100 personnes, ce n’est pas rien. Si à chaque fois, il y a tout un remaniement, qu’on remet tout à zéro, c’est comme quand vous avez une équipe et que vous vendez 12 joueurs, et qu’il faut tout reconstruire. Ça ne vient pas comme ça, en un claquement de doigt. Il faut du travail et de la continuité.

     

    Ce mardi, Bordeaux accueille Nîmes. À l’approche de cette rencontre entre vos deux anciens clubs, est-ce que le cœur penche plus d’un côté que de l’autre ?

    J’ai toujours eu pour devise de dire que j’ai fait mes armes à Nîmes, j’ai appris ce qu’était le métier avec un mentor Kader Firoud, qui était intransigeant et après j’ai appris à me gérer, et modestement mais avec une grande fierté, je me suis construit un palmarès. Car c’est vrai que lorsque l’on est dans un club moyen comme l’était Nîmes, où on s’accrochait, qu’on donnait le maximum, il était difficile de gagner des trophées. Avec Bordeaux, il y avait une équipe en pleine construction quand je suis arrivée en 1980, j’ai connu le sacre : Champion de France, gagner la Coupe, faire deux demi-finales de Coupe d’Europe. J’ai eu l’aboutissement. Ça m’a permis de connaître l’équipe de France en 82 à la Coupe du Monde. Ça m’a permis de m’épanouir et de découvrir quelque chose de superbe. Je reste toujours un petit peu partagé. Je n’aime pas trop cracher dans la soupe, j’ai vécu de belles choses, grandes à Bordeaux et humainement à Nîmes. Vous savez, je suis Gardois, Nîmois, je ne pouvais pas débuter ailleurs qu’à Nîmes, ça a été magnifique. Je vais regarder ça d’un œil très intéressé. C’est une équipe nîmoise qui souffre en ce moment, de tout ce dont on a parlé : de vendre des joueurs, qui a fait beaucoup de changements et qui a du mal à retrouver un petit peu le rayonnement qu’ils avaient l’an dernier. Actuellement, c’est la difficulté et en face il y a les Girondins qui pètent le feu, qui marchent très bien, ça va être un match à risque pour les nîmois et aussi pour Bordeaux, mais pas dans le même sens. Il faut gagner le match et accrocher véritablement le peloton de tête. Ça va être un match intéressant.

    Rene Girard – 01.05.1985 – Bordeaux – Magazine
    Rene Girard – 01.05.1985 – Bordeaux – Magazine

    Que ce soit en tant que joueur ou entraîneur, vous avez affronté Bordeaux à de nombreuses reprises. Est-ce que jouer contre son ancien club avait une saveur particulière pour vous ?

    Ce n’est jamais anodin. Je suis parti en 1980 à Bordeaux et Nîmes était encore en première division, parce qu’il y a eu un passage en Ligue 2 très longtemps des nîmois. On était revenus à Jean Bouin, un stade où vous avez fait toutes vos armes, où vous avez vos habitudes, mais plus avec le club que vous avez quitté qu’avec celui que vous avez rejoint… C’est quelque chose de très fort. Quand on revient à la maison, on connaît tout le monde, il faut trouver cette motivation pour faire abstraction de se dire que tu y as vécu de bons moments, de retomber dedans car ça reste malgré tout une compétition, il faut gagner les matches, c’est important. Et avec Bordeaux, je ne suis pas revenu en tant que joueur mais en tant qu’entraîneur. Ce qui est beau c’est que quand vous revenez 10 ans après, les supporters ont grandi, ce sont les enfants qui ont pris la relève et ils t’interpellent en te disant qu’ils sont le fils d’untel… C’est vraiment touchant.

     

    On ne pouvait pas terminer en vous posant une question sur le match de dimanche prochain entre Marseille et Bordeaux. Ce sont toujours des matches particuliers pour les supporters bordelais. Est-ce que c’était le cas également pour vous à l’époque ?

    Oui, c’était toujours des matches particuliers. La relation avec Marseille s’est toujours faite par plusieurs phases. Il y a eu la période Bez-Tapie qui n’a laissé personne indifférent. Après il y a eu la période où Gigi est parti à Marseille, ça a surpris tout le monde. Gigi, on le voyait comme un joueur emblématique des Girondins, on ne l’imaginait pas partir là-bas. Ça a toujours été des matchs costauds.

     

    Retrouvez la suite de cet entretien avec René Girard mercredi soir en audio, sur notre podcast le Point.G, via GoldFM et Girondins4Ever.