Que veut faire King Street des Girondins de Bordeaux ? On fait le point
Le 24 janvier 2020, déjà, nous sortions un article intitulé « Pourquoi King Street doit vendre rapidement ! ». Alors qu’ils venaient d’écarter GAPC, nous expliquions les raisons qui devaient les pousser à arrêter une aventure qu’ils n’avaient pas choisie, et qui risquait de leur coûter beaucoup plus cher que prévu. Un peu plus d’un an après cet article, les conséquences vont bien au-delà de notre analyse et les intentions de King Street sur notre club restent floues.
Nicolas Morin et Florian Brunet, des informations contradictoires
Les propos du journaliste Nicolas Morin ces derniers jours ont surpris tout le monde :
« King Street a tout sauf envie de vendre le club cet été (…) King Street va remettre de l’argent dans les comptes du club pour passer l’obstacle de la DNCG, et va rester ambitieux pour la saison prochaine. King Street n’a aucune intention de vendre les Girondins aujourd’hui »
Pourtant Florian Brunet tenait un discours en complète opposition avec celui du journaliste à la sortie de la rencontre du 17 mars dernier :
« (…) On croit que King Street veut très vite vendre le club. On a même entendu aujourd’hui (mercredi, ndlr) de la part de la direction du club que c’était un actif qui les emmerdait. Donc que Daniel Ehrmann vienne nous expliquer tout ça en toute transparence, qu’on soit au courant »
Qui croire ?
Si on regarde les deux derniers mercatos, on peut dire de King Street qu’ils n’ont montré (pour le moment) aucune envie de dépenser de l’argent dans le sportif.
Un mercato en été et un en hiver pour confirmer que l’objectif est toujours de dégraisser mais jamais d’investir dans de nouveaux joueurs. La venue, par exemple, de Jean Michaël Seri, n’est pas un choix sportif mais uniquement l’obligation de remplacer Otávio, blessé. Nous avons déjà compris qu’il ne serait pas retenu à la fin de ce prêt.
Florian Brunet a d’ailleurs très vite réagi au propos de Nicolas Morin :
« C’est bizarre Nicolas Morin, car Thomas Jacquemier ne nous a pas tenu le même discours, nous annonçant un mercato à 0. Mais peut-être avez-vous la ligne directe de Daniel Ehrmann ? Car si c’est simplement les dires de Pinocchio Longuepée… Mort de rire, hein ! ».
Calculons un peu les pertes…
La situation est inquiétante concernant l’aspect sportif, le club mais pour King Street également.
Sportivement, si Bordeaux se sort de la relégation cette année et que l’objectif est encore de dégraisser au prochain mercato les quelques joueurs rentables (Yacine Adli, Toma Basic…) sans les remplacer (ou par des « paris » peu coûteux), alors la barque bordelaise risque de prendre l’eau définitivement.
Le club joue avec le feu, le manque de stabilité nous condamne à des risques élevés de descente à l’étage inférieur et dans un rejet total des supporters. Ces derniers en ont assez de ces matchs insipides, de ce manque d’envie, de combat ou de caractère pour défendre nos couleurs.
Pour King Street, tous ces éléments risquent d’entrainer une dévaluation du club et le risque de perte année après année va s’accroître, sans pouvoir espérer le vendre au prix souhaité (au minimum 100 millions d’euros si on recoupe les informations).
Pour les dettes, Florian Brunet parle de « 110 millions entre l’endettement et le déficit » avec une perte de plus de 70 millions pour cette année (soit probablement avec l’emprunt auprès de Fortress, à hauteur de 40M€, à rembourser en 2023).
Au revoir, les droits télés élevés !
Une perte de plus de 70 millions cette année, des droits TV
revus à la baisse, un classement qui n’aidera pas financièrement et
un mercato (déjà) sous le signe de la rigueur.
Avec une nouvelle saison identique, le risque d’une nouvelle perte
autour de 50 millions (voire plus) est malheureusement prévisible
pour l’année prochaine même si la réduction des salariés et de
l’effectif pourraient avoir un effet de ralentissement sur ces
chiffres.
Attention, tout de même car une descente et Bordeaux ne vaudra plus rien, ou presque.
La seconde information de Nicolas Morin est encore plus surprenante et pose des questions sur le jeu de poker menteur de King Street :
«(…) King Street n’a aucune intention de vendre les Girondins aujourd’hui. D’abord parce qu’il va y avoir de nouveaux droits TV (…).»
Comment penser cela de la part de King Street alors que Canal+ vient de les racheter à près de 50% du prix proposé par Mediapro. De plus, le classement de Bordeaux ne rapportera pas les droits TV nécessaires à renflouer les caisses. Cette stratégie semble peu crédible à moins d’investir fortement dans le sportif mais les échanges entre Florian Brunet et Thomas Jacquemier tendraient encore à prouver le contraire.
Combien de joueurs et à quel poste pour avoir une équipe compétitive ?
Un arrière droit sera indispensable si Youssouf Sabaly quitte la Gironde, pas de relève chez les jeunes à ce poste et performances trop irrégulières d’Enock Kwateng. Un arrière gauche si on regarde les performances et les statistiques de Loris Benito (0 passe décisive en 2 ans). Ce poste n’a jamais été comblé depuis le départ de Benoit Trémoulinas. 2013, déjà.
Au milieu, Otávio reviendra après 6 mois de blessure et il lui faudra au moins une doublure d’expérience, Tom Lacoux doit encore progresser pour devenir un titulaire sur plusieurs semaines.
Renouveler les côtés où Rémi Oudin (qui n’a pas convaincu), Nicolas De Préville (partant) et Samuel Kalu (trop souvent blessé) ne peuvent représenter le renouveau de notre équipe.
Devant, au moins un avant-centre confirmé.
Il faudrait au moins 6 joueurs de qualité pour lancer un nouveau cycle tout en gardant les joueurs qui peuvent faire partie de cette nouvelle aventure : Benoit Costil, Laurent Koscielny, Paul Baysse, Otavio, Yacine Adli et Hwang Ui-Jo.
Des jeunes que nous avons pu voir cette année, Tom Lacoux et Amadou Traoré semblent les seuls actuellement à pouvoir postuler à une place dans le nouveau Bordeaux 2021-2022.
Quelle enveloppe pour 6 joueurs ?
King Street a-t-il les moyens de mettre 30 ou 40 millions sur la table pour le mercato (sans compter les ventes) ? Une politique sportive ambitieuse ne peut avoir lieu avec une enveloppe vide. Sinon, ce sera une nouvelle fois du bricolage… L’absence de communication sur le sportif indique plutôt (en général) une rigueur qu’un souhait d’investir.
Sans investissement, on ne comprendrait pas l’intérêt de conserver le club pour King Street car les pertes ne peuvent que s’accumuler sauf miracle.
Quel est le bon prix pour une vente ?
En juin 2020, Bruno Fievet estimait que :
« Le FCGB peut
valoir 70 M€, mais avec une dette acceptable ». On
parlait alors d’une dette autour de 30 à 40 millions. Désormais, on
parle d’une somme entre 70 et 110 millions. Si on suit le
raisonnement de Bruno Fievet, la vente devrait se
faire actuellement en dessous de 70 millions (autour de 20, 30
millions ? Moins ?) au regard de la dette
annoncée.
Les investisseurs ont bien compris que King Street devra vendre tôt ou tard, personne n’avancera ses billes au tarif demandé. Ils attendent désormais le dépôt de bilan ou que King Street revienne tout seul à la table des négociations à un prix plus en accord avec l’état financier du club (notamment ses dettes). Beaucoup de personnes et d’entités se sont manifestées ces derniers mois. King Street a toujours été à l’écoute, montrant un signe d’ouverture, pour finalement ne plus donner de nouvelles et couper tout contact du jour au lendemain.
Vendre à un prix raisonnable permettrait à King Street d’amortir au moins un petit peu les dettes colossales de cette année, de fermer un robinet qu’ils n’arriveront plus à refermer sans au préalable un investissement important dans le sportif (qu’ils ne souhaitent pas réaliser ?) et qu’ils pourraient faire sans certitudes de résultats.
Un prix qui permettrait à la nouvelle direction de conserver de l’argent pour éponger les dettes et avoir une ambition (nous l’espérons) sportive.
Si King Street ne vend pas, leur dette (sur cet actif) va s’accroître alors qu’un retour sur investissement est improbable. L’idée semble faire son chemin, espérons-le en tout cas.
Pourquoi M. Frédéric Longuépée est-il toujours en
place ?
Le symbole est important, la réunion entre la mairie, les supporters et les représentants de l’actionnaire ont eu lieu sans le président Frédéric Longuépée. Un véritable constat d’échec pour King Street. On se demande encore comment peuvent-ils laisser en place un président qui ne participe même pas aux différentes discussions et enjeux de son club. Son « non » remplacement, en plus de l’absence de M. Daniel Ehrmann, montre (tout de même) le peu d’intérêt des américains pour notre club.
Ne pas licencier Frédéric Longuépée peut également être une stratégie, l’inutilité d’un départ alors que les actionnaires auraient déjà décidé de la vente (même à bas coût) dans les prochaines semaines ? Quoi qu’il en soit, il correspond probablement à l’image et au rôle que lui attribuent les américains, à savoir être le représentant légal, l’homme qui gère les comptes et trouve des solutions financières en tant de crise. Oui, mais le sportif dans tout ça ? Oui, mais la communication sur l’avenir proche, à moyen terme, voire à plus longtemps terme ? Plus le temps passe, plus l’on peut penser que Frédéric Longuépée n’est qu’un « pion » sur l’échiquier de King Street. A l’exception près qu’en France, ce poste n’a pas la même vocation qu’aux Etats-Unis…
King Street a augmenté le capital social des Girondins de Bordeaux de 40 millions d’euros
L’article de Sud Ouest du 29 mars vient un peu plus jeter le trouble dans la stratégie de King Street. Ils ont injecté 70 millions depuis le début de l’année (30 millions cet été et 40 millions cet hiver) pour permettre aux Girondins de passer sans problème la DNCG.
Une question se pose tout de même, pourquoi aucune enveloppe dans le sportif quand on a les moyens d’injecter 70 millions dans le club ? Alors que tout le monde sait que c’est le sportif qui fera que ce club redeviendra au minimum non-déficitaire, au mieux rentable.
Cette stratégie semble perdante puisque sans une équipe compétitive, le club végète a une place qui ne permet pas de bénéficier suffisamment des droits TV, une place qui ne permet pas non plus de valoriser nos joueurs (notamment les jeunes).
Faut-il rendre le club moins endetté pour le vendre plus facilement ?
Si King Street avait injecté 70 millions dans le sportif (nous ne sommes pas loin des 80 millions promis lors de la vente entre M6 et GAPC), le classement, le rayonnement du club et son attractivité ne seraient-elles pas différents ?
Encore une fois, une communication sur le projet est attendu (pas seulement chez les supporters) pour comprendre un fonctionnement opaque et qui ne donne pour le moment que des fruits pourris.
Conclusion
Les intentions de King Street sont floues (elles l’ont toujours été depuis leur reprise du club).
Quelle que soit la perte, Bordeaux ne mettra pas en danger les finances de King Street. Le plus important est semble-t-il de stopper l’hémorragie pour ces derniers. Essayer de vendre son « bien » au plus cher est un classique de l’immobilier. Sans acheteur au prix initial, King Street pourrait comprendre qu’il faudra être moins gourmand. La tentative de médiation et d’apaisement avec les supporters n’a-t-elle pas qu’un seul but : se mettre dans les meilleures conditions et dans le meilleur climat pour la vente ?
A moins que King Street reste persuadé qu’il faut attendre des jours meilleurs ou encore mieux investir dans le sportif pour revaloriser « l’actif » de ce club. Beaucoup de signaux montrent des signes contraires à cette hypothèse, nous devrions avoir des éléments de réponses une fois le club sauvé de la relégation.
Nicolas Morin lui même ne croit pas complètement à ces propos puisqu’il indiquait dans la même interview qu’il pensait que l’entraineur des Girondins Jean-Louis Gasset ne souhaitait pas prolonger l’aventure bordelaise car il savait déjà que « la saison prochaine serait compliquée avec des joueurs en fin de contrat, moins d’argent, des jeunes, etc… ».
Loin d’une politique ambitieuse, non ?