Yann Philippin, journaliste à Mediapart, ayant investigué de longs mois sur les Football Leaks, a fait part de son point de vue sur le rachat des Girondins de Bordeaux ainsi que sur l’arrivée des investisseurs étrangers en France.

“C’est indéniable qu’il y ait une bulle financière. Il y a une inflation complètement folle, avec les salaires des joueurs, le prix des transferts et les budgets des clubs. Tout ça s’appuie sur une réalité économique, notamment une hausse des sponsoring, des droits TV… On dépense plus parce qu’il y a plus d’argent. Mais parfois on a du mal à se demander si c’est la poule qui a fait l’œuf ou l’œuf qui a fait la poule. Il y a une telle course aux armements dans les grands clubs qu’elle se répercute au milieu et au bas de la chaîne. A partir du moment où Paul Pogba vaut plus de 100 millions d’euros, ça se répercute en-dessous et même les joueurs moins chers prennent de la valeur. Du coup, vu qu’on est obligé de les payer plus cher, parce que les gros clubs les paient plus cher, il faut trouver des sous. Donc on augmente le prix des places, les droits TV. Et surtout on voit que là où il peut y avoir une bulle, il y a beaucoup de clubs, les plus gros, qui dépensent à fonds perdus. Et à partir du moment où des clubs font cela, ça fausse le jeu, surtout pour les clubs moyens comme les Girondins qui n’ont pas de mécènes comme le Qatar ou Abu-Dhabi pour s’en sortir. Il pourrait y avoir une bulle, car qui la paie cette bulle ? C’est vous ! En achetant un abonnement au stade, à BeIn ou Canal +. Et au bout d’un moment, le portefeuille des fans de foot n’est pas extensible et les gens en auront marre de payer les places trop chères, de payer des abonnements différents pour voir le match qu’ils veulent voir. Peut-être que si les gens se révoltent la bulle pourrait vraiment éclater. On n’en prend pas le chemin aujourd’hui mais on ne peut pas l’exclure complètement […] Le rachat des Girondins est très intéressant car il vient d’un fonds d’investissement. On avait avant dans le monde du foot, soit des passionnés, soit des groupes industriels ou des médias comme M6 et là, on voit arriver depuis quelques années des purs financiers. Des gens que l’on pourrait appeler « Les loups de Wall Street » ou de la City de Londres, qui sont des purs financiers, qui veulent surtout gagner de l’argent et avoir un retour sur investissement. Ils s’intéressent au football car ils pensent aujourd’hui qu’il y a un coup à jouer et qu’on peut se faire aussi de l’argent dans le foot. Ce sont des modèles nouveaux, qui sont essentiellement basés sur la dette : on rachète un club avec de la dette et on espère la rembourser en faisant de bonnes affaires sur les transferts, c’est-à-dire en achetant de jeunes joueurs et en les revendant très cher. Soit on parie sur la hausse des droits TV, qui vous savez vont bientôt augmenter en France. On peut alors se dire que si on gère bien l’affaire, on fait quelques plus-values de transferts et que d’ici 4-5 ans on peut revendre le club plus cher qu’on ne l’a acheté. On a donc des actionnaires qui ont besoin que le niveau sportif soit acceptable pour ne pas que le projet s’effondre, mais qui sont plus intéressés par l’aspect financier que par l’aspect sportif”.

Revue Far Ouest

Retranscription Girondins4Ever

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