Bruno Fievet : « On ne peut rien faire sans un sportif qui fonctionne. On ne remplit pas un stade avec du commercial »

    Dans notre interview de Bruno Fievet parue hier (à retrouver en intégralité ICI et en audio ICI), nous avons traité de la volonté, depuis le rachat des Girondins, de surfer sur la « marque Bordeaux ». Pour lui, il ne s’agit absolument pas de la priorité, encore à moins à l’international. La priorité serait bien de développer ce que nous avons déjà sur place, et de faire en sorte que le sportif fonctionne, pour qu’ensuite en découle le reste.

    « Clairement, l’international c’est très bien quand vous vous appelez Paris Saint-Germain, et que vous avez des grands noms qui font rêver à l’international. Mais si vous n’avez pas une équipe avec des joueurs qui jouent dans les grandes sélections comme la France, l’Italie, l’Espagne, le Brésil, l’Allemagne ou l’Angleterre comme peuvent avoir Paris, vous n’avez pas de valeur à l’international. Ce qui crée la visibilité à l’international, ce sont les joueurs qui composent votre équipe. Aujourd’hui, on est intéressants en Corée parce qu’on a Hwang Ui-Jo dans l’équipe, qui est plutôt pas mal d’ailleurs. On peut être intéressants sur un ou deux pays d’Afrique parce qu’on a des joueurs internationaux comme Youssouf Sabaly, ou François Kamano, quand il ne tournait pas trop mal. Mais c’est tout. Aujourd’hui, on ne peut pas être intéressants sur des grands pays comme la Chine ou les Emirats si on n’a pas des noms ronflants à proposer. Le développement international, c’est une deuxième partie du projet, qu’il ne faut pas négliger, mais qui n’est certainement pas la priorité des clubs à l’heure actuelle, ou en tout cas d’un club comme Bordeaux, c’est évident. Il ne faut pas confondre la marque Bordeaux connue pour le vin, et le foot. Ce sont deux choses qu’il faut distinguer. Je me souviens à l’époque de Claude Bez quand les Girondins étaient une place forte de l’Europe et qu’on allait sur les terrains partout en Europe, on amenait avec nous dans les avions des grandes personnes, des viticulteurs, pour faire des affaires. Mais c’est parce que Bordeaux rayonnait. Sans le rayonnement des Girondins, il n’y a pas d’écosystème qui peut travailler à l’international, ou alors les gens ont déjà leurs contacts. Les grands producteurs bordelais n’ont pas attendu les Girondins pour aller vendre des bouteilles en Chine depuis des années. On ne doit pas tout mélanger là-dessus. Il y a un peu de rêve qui s’est créé et que Joe DaGrosa portait en disant qu’on va vendre du Bordeaux partout à l’international, mais ce n’est pas aussi simple que ça. Entre ce qu’on dit et ce qu’on fait, il y a parfois une différence qui est fondamentale. […]  On ne peut rien faire sans un sportif qui fonctionne, tout à fait. D’ailleurs, on le voit aujourd’hui. Sur un projet purement commercial, si vous n’avez pas l’adhésion des joueurs, un projet sportif derrière, vous ne faites pas venir les gens au stade, vous créez des conflits entre les supporters, les partenaires et la direction parce que ça ne prend pas le chemin que ça aurait dû prendre. Le projet sportif est fondamental dans un club de football. Le foot, c’est avant tout du sport, avant tout un sport populaire. Il ne faut pas essayer de remplacer ça dans les stades. Aujourd’hui, si vous allez en Angleterre où les stades sont pleins, c’est parce qu’ils ont bien acté sur le côté populaire. Si vous allez au RC Lens, le stade est plein même si vous jouez en semaine en Ligue 2, parce qu’ils ont su garder ce côté populaire. Et on ne remplit pas un stade avec du commercial. Je sais que je me répète sur le sujet, mais vu que la situation ne change pas, je me permets de marteler là-dessus, parce que c’est à mon avis le premier problème de tout le projet actuel ».