Bernard Lions : « Les économistes parlent de pokerisation du football. Tu joues au poker, tu mises et tu peux gagner gros. Mais tu peux perdre gros aussi. C’est ma crainte pour les Girondins »

    Bernard Lions, journaliste pour L’Equipe, n’a pas vu d’un bon œil le rachat des Girondins de Bordeaux par un fonds d’investissement.

    « Les fonds de pension par définition, ce sont des fonds d’investissement qui tablent leurs réussites sur un retour sur investissement assez rapide. Ils n’ont pas choisi les Girondins de Bordeaux par amour, mais par opportunité économique. Je sais que King Street était d’abord venu démarcher l’AS Saint-Etienne. Le président Romeyer, co-actionnaire du club avec Bernard Caïazzo, avait rencontré les représentants de King Street dans un hôtel à Lyon, six mois avant le rachat des Girondins de Bordeaux. L’ASSE n’avait pas senti le truc, justement parce que c’était un fonds de pension. Toute la difficulté pour les Girondins de Bordeaux, c’est que finalement, tu ne sais pas à qui tu l’as vendu. Quand tu vends le club de l’Olympique de Marseille à McCourt ou le FC Nantes à Kita, si je parle des clubs historiques français, ce sont des personnes qui achètent, même si derrière c’est rattaché à un groupe, une industrie. Mais au départ ce sont des hommes. Tu sais exactement ce que pèsent McCourt et Kita. Là, c’est un peu plus compliqué parce qu’en plus c’est une association de fonds de pension. Donc je trouve que les craintes des observateurs et en général des supporters bordelais étaient justifiés. La suite des événements malheureusement vous donnent raison. Parce que, si j’ai bien compris leur stratégie de fonctionnement, leur business-plan, c’est le trading-joueurs, c’est-à-dire l’achat et la revente de joueurs. On achète des jeunes joueurs, on les valorise et on les revend. C’est une espèce de truc dans tous les clubs en ce moment, les gens ne jurent plus que par ça, ce qui a fonctionné par exemple à Monaco, où ils ont fait d’énormes plus-values sur des joueurs comme James Rodriguez, Thomas Lemar. Mais ça n’a été que du one-shot. Quand on voit comment ça s’est passé à Monaco, ça a fonctionné pendant deux ans, avec un homme providentiel, dont je ne fais l’apologie, j’essaie juste d’être froid dans mon analyse, mais ça a remarquablement fonctionné. Mais aujourd’hui, ça ne fonctionne plus. Je veux bien qu’on décide qu’il n’y ait plus de centre de formation aux Girondins de Bordeaux, qu’on mette Patrick Battiston, qui est quand même un des symboles et piliers des Girondins au placard, qu’on fasse partir Marius Trésor, autre symbole du club, à la retraite, et on change tout ça en Academy. Mais je trouve que c’est extrêmement risqué et que ça ne fonctionnera pas. Les économistes parlent même de « pokerisation » du football. Je trouve le terme assez juste. Tu joues au poker, tu mises et tu peux gagner gros. Mais tu peux perdre gros aussi. C’est ma crainte pour les Girondins de Bordeaux et là, on parle d’un club historique du football français, on ne parle pas d’un club lambda. Bordeaux, c’est un passé, une histoire, une culture, une passion. Ça fait vraiment partie des 4-5 piliers du football français avec Nantes, Marseille, Saint-Etienne et aujourd’hui le Paris Saint-Germain. Je ne suis pas très optimiste pour Bordeaux en tout cas. Je ne vois pas très bien où va être assurée la pérennité du club« .

    Retrouvez l’intégralité de l’interview de Bernard Lions (partie 1) ICI, sur Girondins4Ever